Mère (2), par Didier Ayres
Ma mère était à moitié endeuillée.
Et cette anecdote est connue jusqu’en Allemagne.
Une production de la télé allemande.
Oui quelque chose sur le Tibet éternel.
Il y a eu une grève, des licenciements, une lutte pour conserver les postes de journalistes sur la chaîne, et puis, le chômage, les emplois précaires et ce monastère d’Annecy.
Ou sinon, une nuit de trop.
La mort.
Là, au milieu de la chambre. Notre mère qui regarde et qui voit le chat blotti sous le lit, et l’odeur d’urine, de vomi, cette lumière au plafonnier qui était restée allumée deux jours.
Ecoute.
Ecoute cette musique. Ce piano. Schubert, n’est-ce pas ?
En fin de compte, elle m’angoisse.
Avec sa manière si particulière de faire l’Apple Pie comme on ne le fait pas en Irlande, comme au beau temps de sa jeunesse, ces jours-là où on l’appelait la Bardot brune.
Les voyages. Les ambulances. La clinique. La morgue.
Un truc que l’on prend en pleine face, tu vois.
Et puis, tu traînais avec Antoine, et nous ça nous disait rien tes discussions sur le chant XI de l’Odyssée.
C’est la Saint-Sylvestre. La photo.
C’est une espèce d’oppression.
Que tout le monde connaît.
Et avec cela, toutes les valeurs.
Tu connais cela.
Le plexus.
Oui, qui subit une oppression.
Se défaire de ses sentiments.
Oui, de quelque chose de morbide.
Du tabac ?
Juste une cigarette.
Tu ne regretteras pas.
Une sorte d’inertie permanente.
Novembre.
Didier Ayres
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