Maldonnes, Virginie Vanos (par Patrick Devaux)
Maldonnes, Virginie Vanos, Edilivre, janvier 2018, 146 pages, 13,50 €
L’ambiance et les rencontres dans une modeste épicerie de quartier ont tout de charmant si ce n’est que le quotidien, transcendé d’apparences diverses, n’en anime pas moins les esprits suscitant la passion comme l’inspire ce dialogue (c’est le frère de l’héroïne qui parle) : « Je te l’accorde bien volontiers, mais sans rire, on dirait que tu es folle de cette cliente. Si je ne te connaissais pas aussi bien, je dirais que tu as viré de bord et que tu es follement amoureuse ».
Entre égérie, monde à paillettes et l’épicerie du coin sans compter sur les différents caractères entre personnes, il y a un tel monde de différences que la gêne aux entournures, malgré la passion, reste palpable, allant crescendo.
Le monde des apparences, plus qu’insinué dans les dialogues, en prend un coup : « J’en ai ras le bol de ce maudit parfum, juste bon à pomponner les rombières à la bichon maltais. Vous savez le temps que ça a pris pour concevoir cette image ? Je ne parle pas de la préproduction, dont j’ignore tout ».
Le style est franc comme l’héroïne de la romancière est entière. Elisabeth Mayne (l’héroïne) se voit refuser sèchement une édition après des études en sociologie (la lettre de refus à elle seule est une page digne d’une anthologie d’humour sarcastique voulu et bien sûr bien mené par Virginie : « Vous vous dites à la fois comédienne, mannequin et auteur. Or jusqu’à preuve du contraire, les comédiens ça joue, ça n’écrit pas. Et en ce qui concerne les mannequins, si elles avaient autre chose qu’un agglomérat de yaourt battu à la place de la cervelle, ça se saurait depuis belle lurette ! »).
Tous les clichés de la mode et toutes les contraintes liées à la profession de mannequin sont dénoncés avec autant d’humour que de talent, ce qui rend le livre « imagé » avec brio. L’héroïne accepte un contrat « en échange » d’une liberté accrue lui permettant d’écrire, son but premier.
Cependant, la liste des contraintes modificatives sur le physique est longue : « Quand je sortis de là j’avais l’air d’un filet de dinde laissé trop longtemps sur un barbecue et je sentais à deux mètres la volaille grillée ».
L’enjeu de ce livre va bien au-delà de ce qu’il dit, un type de société étant mis en cause.
Le ton sans concession est accentué par un humour absolument efficace et hors norme : « on lui avait demandé de dégoter la parfaite poupée gonflable ; je lui ai fait le coup de la poupée gonflante ».
Trois mots avec l’auteur à la Foire du Livre de Bruxelles en début d’année confirment une façon hors normes, hors standards d’appréhender le monde. L’histoire que Virginie raconte est, avant toute chose, cette façon d’être, cette façon de n’être dupe de rien ni de personne. Ni même d’elle-même.
Comme dans la vraie vie, Elisabeth, l’héroïne de la romancière, manipulée jusqu’au cliché costumé, cherchera à préserver l’image de l’auteur qu’elle voudrait devenir et écrire sans maquillage.
Le masque aura-t-il ou non raison d’elle ou aura-t-elle raison de lui ?
Patrick Devaux
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