Malart, Aro Sáinz de la Maza (par Jean-Jacques Bretou)
Malart, Aro Sáinz de la Maza, Éditions Actes noirs, avril 2024, trad. espagnol, Serge Mestre, 432 pages, 23,50 €
Edition: Actes Noirs (Actes Sud)
Au large de Barcelone quelque chose dérive avec accrochée à sa structure un corps. La personne est vivante, le narrateur nous fait percevoir ses sensations. Goût d’eau salée, délires. Des images défilent : un tablier rouge et bleu, une patineuse… L’homme puisqu’il s’agit d’un homme, très affaibli, attaché et agrippé à une petite embarcation a le corps qui baigne dans l’eau de mer. Il boit la tasse à chaque paquet d’eau salée qui vient le recouvrir et semble drogué. Il se souvient néanmoins qu’il fait partie des forces de police. Il ne voit pas la côte, il est désespéré et toujours reviennent ces couleurs bleu et rouge et cette patineuse. C’est l’inspecteur Malart de la police de Barcelone !
Milo Malart, on en parle beaucoup au centre de police. La sous-inspectrice Mercader et ses collègues le recherchent désespérément. Ils ont 60 heures pour le retrouver. C’est un géant de deux mètres au caractère bien trempé qui n’en fait souvent qu’à sa tête. Il était parti à la poursuite de ceux qu’il pensait être les auteurs de nombreux assassinats dans la région de Barcelone, c’est sa version en tout cas.
Mais l’on vient de retrouver le bateau luxueux du couple de meurtriers avec leurs deux corps morts amarrés à la poupe. Le bateau ne contient pratiquement que des empreintes de Malart. Bientôt, certains émettent que l’auteur du double assassinat pourrait être Malart qui son forfait accompli aurait disparu fort opportunément.
Ce livre nous fait « naviguer » sur le versant obscur de la cité espagnole. Un monde habité de gens pervers et riches où chacun donne libre court à ses fantasmes les plus excessifs, où la drogue circule impunément mélangée à des cocktails très imaginatifs. Une population qui fait la « une » des journaux à scandales mais dont les membres fréquentent les cercles du pouvoir, jusqu’à gangréner la garde civile.
Ce livre aurait pu être un bon thriller psychologique si la structure mentale des protagonistes avait été un peu plus fouillée et non réduite à deux ou trois éléments basiques. Il aurait fallu peut-être aussi éviter de tomber dans la caricature et le manichéisme avec des propositions trop clivantes associant par exemple « riche » et « méchant ». Quelques longueurs nuisent sans doute à une lecture fluide.
Néanmoins, le mythe du colosse solitaire se sortant toujours des pires situations avec les gens les plus machiavéliques a encore une longue vie devant lui, même avec un peu de cervelle on arrive, non sans un certain plaisir, à lire ces 432 pages bien traduites jusqu’au point final.
Jean-Jacques Bretou
Aro Sáinz de la Maza est un écrivain, traducteur et éditeur espagnol. Diplômé de l’Université de Barcelone, il écrit des romans, des livres d’histoire, des essais. Le Bourreau de Gaudí est sa première incursion dans le genre policier, et a valu à son auteur le Prix International RBA du roman noir.
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