Ma mère, cette inconnue, Philippe Labro
Ma mère, cette inconnue, mars 2017, 192 pages, 17 €
Edition: Gallimard
De l’auteur, le grand public connaît les livres qui ont relaté son enfance, son voyage d’études aux Etats-Unis (L’étudiant étranger), ses débuts dans le journalisme. Philippe Labro a été cinéaste et s’est intéressé de près aux Lettres d’Amérique dans un livre qu’il a cosigné avec Olivier Barrot, à propos d’une série d’auteurs américains d’importance.
Le voici de retour avec un livre où il s’agit de raconter celle qui fut sa mère, Henriette, dite Netka, dont la vie était tout entourée de mystère.
Morte à près de cent ans près de Nice, Netka aura connu ce qu’il convient d’appeler un vrai destin romanesque. Elle qui était mère de quatre enfants, qui n’évoquait jamais ses origines ou laissait des suspensions à toute question, est l’« enfant naturelle » d’un père polonais et aristocratique, qu’elle ne vit qu’une fois, et encore, distraitement. Abandonnée par sa mère, placée en Suisse, puis à Versailles, avec son frère Henri. Elle est en France, dans les années « Charleston », dans un pensionnat poussiéreux et son âme rebelle convient bien peu à cette époque et aux conventions. La vie ensuite se stabilise : mariage, enfants, vie bourgeoise.
À lire ces quelques lignes, on pourrait croire que le romancier de Quinze ans a prêté à sa mère le parcours des personnages d’une Delly. Le mystère d’une vie semble avoir guidé sa plume pour relier, grâce à la correspondance de ses parents, par le biais de conversations de l’auteur avec sa mère, très âgée, les épisodes d’une vie, d’enfants ballottés d’une Manny Suissesse à une « Marraine », des années 20 aux années d’après Libération.
De quoi est tissée une biographie ? D’un nombre épais de questions, de blancs, qu’il faut impérativement combler. Labro a longtemps pensé à ce « récit de la mère », y a renoncé, a entrepris de rassembler toute une série de documents, puis s’est remis à la tâche pour « rendre hommage » à sa famille. À son oncle militaire, à son père et à sa mère, sauveurs de Juifs, à ses frères qui l’ont aidé dans ses recherches généalogiques.
Bien sûr, l’intérêt premier est dans le portrait que Labro donne de sa mère : intelligente, suprêmement belle, séduisante, poète sensible qui a rempli des carnets pour se soulager d’une mélancolie dense…
Cette femme, « bâtarde » comme ses propres mère et grand-mère, s’est entièrement vouée à sa famille et a clos le chapitre de ses origines douloureuses.
Un beau livre.
Philippe Leuckx
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