Lui dit-elle Pour un absent, Anne Perrin (par Patrick Devaux)
Lui dit-elle Pour un absent, novembre 2018, 112 pages, 12 €
Ecrivain(s): Anne Perrin Edition: Z4 éditions
Rare d’avoir deux écritures dans un même livre de poèmes. Anne se démultiplie d’écritures pour faire vivre, de façon très scénique, deux personnes qui se sont aimées aux antipodes de ce qu’il y a moyen d’être. Double écriture mettant littéralement en scène, voire en scénario, deux vies qui semblent vivre à la fois ailleurs (psychologiquement) et dans la même habitation (physiquement), l’une dans la pénombre avec une lumière filtrante (Elle) et Lui dans un noir terrible qu’il a lui-même initié :
« LUI
Dans cette chambre mansardée, ça pue la mort ».
ELLE
… je brode et je brocarde ton nom
dans les serrures
scellées
encore perdue
la clef
pas possible de
la retrouver
venu du rien il est
parti
préparer du thé
et l’oublier
LUI
Bouteille entière
Bouteille à moitié
vide. Renversée.
Dégueulée. Bue. Recrachée ».
Le double style, prose acide pour LUI et douceur plus littéraire pour ELLE, évoque à la perfection la tension menée auparavant et non pourtant décrite (mais suggérée) ainsi que la douceur progressive qui semble calmer, un peu à la fois, le jeu des échanges établi de pair avec d’habiles mouvements d’enveloppes glissées sous la porte, autant de tentatives pour communiquer…
L’équilibre poétique contrebalance la violence des solitudes :
« ELLE
…Et nous serons
dans l’immensité
réunie
partagée
divine
nous indissociables.
LUI
Je ne sais plus où j’ai mis mon corps. Je traverse le noir à tâtons. Je sens la nuit qui me déchire. Je garde les yeux ouverts sur les falaises de ma raison. Je pense à avoir à en finir ».
La persévérance de la douceur aura-t-elle raison de la léthargie affective de ne pas être ?
« ELLE
…Eternelle
adolescente de mes
vieux jours
je veux encore de celles que je
nomme caresses ».
Une puissante force d’amour global se détache du texte à vouloir, à tout prix, sauver une situation sans cesse sur le fil de… l’Amour.
Patrick Devaux
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