Los Muertos, Éric Calatraba (par Alix Lerman Enriquez)
Los Muertos, Éric Calatraba, Editions La Trace, 2024, 130 pages, 18 €

Un détective privé désabusé, hanté par son passé, Christian Herrera, est chargé d’enquêter par Bianca Ruiz-Cubero sur la disparition, il y a sept ans, de sa petite fille bien aimée Luisa qui a perdu ses parents dans un accident de voiture alors qu’elle n’avait que six ans. Bianca, réfugiée espagnole, déjà âgée et malade qui vit avec Paco, le grand frère handicapé de Luisa, est intimement persuadée que sa petite fille d’une vingtaine d’années est encore en vie : « Je remontai en voiture et dans le rétro, je croisai mon regard ; Tout le monde semblait avoir fait son deuil de la jeune fille après tout ce temps et… non, Pas tout le monde… pas Bianca ».
Ce récit va donc être l’occasion de suivre les méandres du détective Christian Herrera, lui aussi, fils de réfugiés espagnols, au caractère si attachant. À travers le sud de la France et les territoires désolés ou luxuriants de l’Espagne, le détective va à la recherche de Luisa, en même temps qu’il va à la rencontre de lui-même et de ses fantômes du passé :
« Jusqu’ici, je n’avais pas vraiment prêté attention aux signes. Cette fois, j’étais troublé. Mes recherches me conduisaient tout droit à Alméria. Je sentais la présence de ma mère, de mon père et de ma chère cousine aux grands yeux azur partie trop tôt. J’entendais la voix de baryton de mon oncle et celle de ma grand-tante qui nous accueillait avec des larmes de joie, dans sa toute petite maison près de la Plaza de Pavia ».
Ce joli roman policier est empreint de cette belle lumière solaire, celle crue qui vient du sud de la France puis celle d’Espagne qui a connu la cruauté du franquisme mais également la liesse qui a suivi la mort du Caudillo. Cette belle lumière illumine les scènes des corridas, l’horizon marin, le flamenco endiablé. Mais elle coule aussi, cette lumière, avec passion dans les veines de ces riverains de la Méditerranée. Elle nous enivre sur les sentiers tour à tour désertiques ou bien richement colorés des vignes inondées de soleil. L’Espagne est ce pays de clair-obscur aujourd’hui terni par la misère humaine des migrants mais également de tous ces espagnols éprouvés par la dictature passée. Et Los Muertos est un livre plein de poésie où l’ombre du poète Garcia Lorca sauvagement assassiné, rôde comme le spectre d’une âme libre qui s’est brutalement tue.
Très beau roman où le suspense côtoie la description de sublimes paysages, mais également les tréfonds parfois dévastés de l’âme humaine. Je ne peux que vous le recommander !
Alix Lerman Enriquez
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