Lignes de crêtes, Promenades littéraires en montagne, Collectif (par Gilles Banderier)
Lignes de crêtes, Collectif, mai 2021, 296 pages, 29 €
Edition: Editions Noir sur BlancExcellente idée que celle des Éditions Noir sur Blanc, de marier anthologie littéraire et guide touristique ; encore ce dernier adjectif est-il peut-être mal choisi, car on n’imagine guère des personnes âgées en tenues courtes venir par autocars entiers pour effectuer ces itinéraires, dont certains ne semblent pas vraiment faciles. Précisons encore que les montagnes sont celles de la Suisse, pays bien pourvu dans ce domaine, et les écrivains avant tout ceux de la Confédération, également bien pourvue, ce que la France et l’Allemagne voisines ignorent en général (la littérature helvète étant au moins bilingue). Cela dit, on croise également au fil des pages et des cimes des écrivains aussi divers que Hegel, D. H. Lawrence, Mark Twain, Rimbaud, Herman Melville, André Maurois, Chateaubriand, Musil, Tolkien (qui, comme il le reconnut dans une lettre, s’inspira des paysages suisses pour ses contrées fantastiques), Amiel, Maupassant, Proust, Goethe, James Baldwin ou Paul Celan. Sans qu’elle s’en vante outre mesure, la Suisse se trouve au centre de l’Europe et, avec son mélange de langues allemande, française et italienne, constitue un microcosme du continent entier, une autre « terre du milieu », une Mitteleuropa paisible. Nombreux furent les écrivains qui ne s’y trompèrent pas. De plus, la Confédération offrait un îlot de paix et de stabilité politique au milieu des conflits incessants et des révolutions en tous genres.
Ce bel et élégant volume, à la mise en pages soignée, agrémentée de cartes et d’excursus géologiques, invite à parcourir la Suisse d’Ouest en Est, des douces collines du Jura (qui fut brièvement, au temps de la Révolution, un département français) aux sommets de l’Engadine, hantés par Nietzsche et Rilke, en passant par Môtiers (qui conserve le souvenir de Jean-Jacques Rousseau), La Brévine (où Gide situa sa Symphonie pastorale) et les Diablerets (toponyme qui dit assez la terreur qu’inspirait l’environnement). Ce fut en Suisse que naquit l’alpinisme (comme son nom l’indique) et que l’être humain apprit à regarder la montagne autrement que comme un lieu de terreur et d’exil, un domaine des dieux ou des forces au-delà de la nature. Il en découla une « littérature alpestre », littérature régionaliste parmi d’autres, sauf quand le talent de Ramuz exhaussa Derborence à l’universel.
Gilles Banderier
Florence Gaillard est journaliste indépendante.
Daniel Maggetti est professeur à l’université de Lausanne, où Stéphane Petermann est responsable de recherche.
Jonathan Bussard est doctorant à la Faculté des géosciences et de l’environnement de l’université de Lausanne, où Emmanuel Reynard est professeur.
Olga Cafiero est photographe indépendante.
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