Lettres à Poséidon, Cees Nooteboom
Lettres à Poséidon, traduit du néerlandais par Philippe Noble, octobre 2013, 266 pages, 22 €
Ecrivain(s): Cees Nooteboom Edition: Actes Sud
Certains écrivent à leur femme ou à leur maîtresse. D’autres à leur père ou leur mère ou bien à des amis. Certains à un frère, à une sœur, d’autres à un mort ou à un descendant. Beaucoup de combinaisons sont possibles. Cees Nooteboom, lui, a décidé d’écrire des lettres à un dieu, et pas n’importe lequel, Poséidon, le dieu de la mer, que d’autres appellent Neptune.
L’idée lui vient alors qu’il est installé à la terrasse d’un restaurant appelé, justement, le « Poséidon », sur son lieu de vacances. Sur la serviette qu’un serveur lui apporte, il voit le nom du dieu au trident inscrit en bleu, bleu comme la mer au bord de laquelle il vit l’été. Pour lui, c’est un signe (« quelqu’un veut me dire quelque chose, et j’ai appris à obéir à ce genre de signes ») et il décide, une fois qu’il aura achevé le roman sur lequel il planche, de lui destiner des lettres. Ou plutôt, il lui dédie des « petites collections de mots » où il l’informera de sa vie. Il lui relate les petites choses qu’il lit ou qu’il voit, des événements de sa vie. Il lui fait part de ses pensées, d’images qu’il a vues à la télévision. Il s’interroge sur la vie et la mort, ou médite sur les philosophes.
Une visite au Prado va par exemple servir de prétexte à parler d’une œuvre qu’il admire particulièrement. Une lecture de Kafka ou de Chateaubriand seront aussi partagées. Au cours de son récit, l’auteur va être aussi amené à évoquer sa montre, à relater des faits divers ou à commenter le journal. La tortue dans son jardin y passera comme de nombreux articles scientifiques, sur le monde sous-marin ou sur les galaxies, dont Cees Nooteboom est friand.
Il y a un peu de tout et de… n’importe quoi. Il y a à boire et à manger. Des choses graves, d’autres plus légères. Cees Nootebbom passe d’un sujet à l’autre. Une idée l’amène sur une autre.
« Je suis affecté d’une anomalie que j’appelle “pirouette de la pensée”, un état de confusion qui me fait pirouetter d’une pensée à l’autre ».
L’ouvrage est sans doute destiné aux familiers de l’auteur, qui y découvriront peut-être une facette de l’auteur qu’ils connaissent peu. Un peu l’envers de la cuisine, son quotidien, ses petites pensées, ses centres d’intérêts. Que fait l’auteur entre deux ouvrages ? Quels sont les éléments qui lui permettent de construire son œuvre ? Ses inspirations ?
Pour ceux qui ne connaissent pas l’auteur, ces Lettres à Poséidon peuvent être une porte d’entrée sur son univers, et découvrir une écriture brillante, enlevée, précise. Mais cette promenade autour de quelques semaines, quelques mois de sa vie, peut aussi paraître anecdotique. Cette série de petits événements (qui n’en sont pas vraiment) ou de méditations n’ont rien de transcendant. C’est une sorte de journal intime, mais qui garde surtout le côté journal plutôt que l’intime. Un inventaire des jours qui passent, de ce qu’il a pu faire, des articles qu’il a pu lire. Et on n’est pas obligé de le suivre partout…
Yann Suty
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