Les Œuvres éternelles, Thibault Biscarrat (par Didier Ayres)
Les Œuvres éternelles, Thibault Biscarrat, préf. Jean-Marc Fournier, éd. Ars Poetica, 2022, 10€
Croire
Parcourir le dernier recueil de poèmes de Thibault Biscarrat, revient à se tenir au plus près de l’esprit tout autant que de la lettre. Je dis cela car la grande référence en sous-texte, se satellise sur les deux Testaments. Or cette allégeance au texte sacré correspond surtout à des moments de profondeur et de mysticité qui saisissent le poète et le lecteur, par voie de conséquence. Il y a évidemment la question du croire, mais aussi une attention donnée à écrire l’essentiel, à savoir un poème ou rien n’est gaspillé, le plus proche du Livre possible, sorte de lieu d’abondance où plonge la foi. Le poème rend ici possible la spiritualité, la seconde, la double, lui donne un contenu avoisinant l’esprit du texte biblique.
Je me souviens d’Abraham ; la colombe s’envole à l’horizon. Toutes choses surgissent dans la gloire du Seigneur. Voici l’or, la bénédiction des pétales. Des montagnes me viendra le chant ; des montagnes me viendra le secours.
Serions-nous dans l’expression d’un sentiment religieux, proche par exemple, des Vingt regards sur l’enfant Jésus de Messiaen ? On peut le penser, puisque le poème se nourrit d’une croyance à la fois puissante et délicate, engagée et légère, ductile, présente et en même temps cherchant l’absolu du temps de croire. Il s’agit d’une espèce de manne, non pas comblée par des cailles du ciel, mais par un désert intérieur propre à se joindre à la divinité, une sorte de Dieu, nourriture métaphysique, d’un Dieu infusé dans le corps du poème.
L’on retrouve quelque peu la poésie de Jean de la Croix surtout si l’on considère que Les Œuvres éternelles penchent vers la mystique, une croyance sans défauts. Même si l’engagement littéraire est d’origine séculière.
Des éclairs dans le ciel,
La tempête balaie les palissades.
Une voix surgit, advient.
Pour résumer, je garde l’impression d’une poésie aqueuse, fluide, liquide, qui égale la densité des eaux, sorte de fleuve de lait - en pensant à l’ambroisie du Soma -, fleuve de dévotion, rivière de vin sacré, une espèce d’eucharistie temporelle. Nous sommes essentiellement dans un univers qui s’ouvre devant la prière, qui s’augmente de la parole, qui participe d’une sorte de musique intérieure. Donc, tout ce qui a trait à cet autre côté du monde.
L’œuvre est un immense palimpseste
où toutes les voix, tous les écrits
résonnent, se répondent.
Didier Ayres
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