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Les lointains, Jean-Christophe Bellevaux (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres le 17.09.24 dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Les lointains, Jean-Christophe Bellevaux, éditions Faï Fioc, 2023, 89 pages, 11 €

Les lointains, Jean-Christophe Bellevaux (par Didier Ayres)

 

Proximité

J’ai de la joie et de la surprise en rédigeant cette chronique sur ce poète important qui vit dans la région Centre-Val de Loire, région mienne depuis maintenant un an. Parce que je me sens proche à la fois du style et de ce que contiennent ces poèmes. Une sorte d’écoute de soi, d’images qui hantent, de lieux de proximité, de confessionalisme, d’associationnisme. Avec en ligne de mire, guettant la liberté, une langue qui exprime cette disponibilité à la chose toujours nouvelle qu’est la vie. Peut-être est-ce pour moi un miroir, miroir tendu par la main du poète où je reconnais mes années 80 à Paris, la déroute brutale des années punk et la faillite sociale.

Cette poésie est bel et bien une double focale entre celle de l’auteur et celle des pages de l’écrivain, mitoyenneté du langage et de la chose vécue ou revécue.

une mouche de printemps

sur la table basse du salon

stationne

dans son mépris des heures

je porte en moi

un épuisement d’instants qui voudraient éclore

là où je me borne à écrire

oh le trop-plein

et la leçon

apprise et sue

 

Le style de Jean-Christophe Bellevaux n’est pas porté par une langue neutre, une langue blanche, cependant ne poétise pas – dans le sens où l’entend Meschonnic, c’est-à-dire, sans ornementation excessive toujours proche du sujet plutôt qu’effet d’image. Le poème ici précède et pense l’existence dans son équilibre intérieur, sa capture, flux vital, captation de son mystère.

De quoi devrions-nous être effrayés, quand, prenant prétexte de branches et de feuilles capturées par la danse du vent, l’ombre et la lumière elles-mêmes jouent sur les graviers, sautillent

Ce travail ressemble à ce que figurent les lumières d’un port vu de loin depuis la mer, lumières qui se confondent à des pierres précieuses ou des étoiles chavirées sur le bord de l’océan à qui sait les voir. En définitive cet ouvrage est un recueil de petits étincellements sobres et parfois excitants, ceux des feux du dedans qui s’affrontent au poème.

Je reviens un instant à que l’on pourrait nommer fraternité. Car j’ai l’impression d’être circonvoisin de cette expression, et cela dans une lecture au fil de la page, et avec cette délicate et difficile parenté.

M’arrivent des juillets vrombissants, le bec orange d’un merle perfore l’herbe et ma perplexité ; emporte-moi, mon existence ivre, sur la crête des pylônes, emporte-moi dans le triomphe des tourterelles.

Les lointains est un chant, celui d’un simple être humain, être qui transparaît à la fois devant et derrière l’ivresse de la vie, proche de l’existence transformée en essence, en quintessence. J’ai donc poursuivi un chemin de découverte sans lacunes – ce qui me permet encore de me découvrir dans mon âme écrite.

 

Didier Ayres



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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.