Les inoubliables, Jean-Marc Parisis
Les inoubliables, septembre 2014, 240 pages, 18 €
Ecrivain(s): Jean-Marc Parisis Edition: Flammarion
Le livre de la mémoire
La Bachellerie, c’est le petit village de Dordogne où Jean-Marc Parisis passa ses vacances, dans la maison de ses grands-parents, alors qu’il n’était encore qu’un enfant. Il en garde un souvenir précis, heureux, lié aux éléments du paysage, à « une érotique […] purement géographique ». Une véritable image d’Epinal que vient ternir une photo trouvée un peu par hasard par l’auteur, alors qu’il cherchait des clichés pris dans « l’enceinte du Vel d’Hiv lors de la rafle de juillet 1942 ». Cette photo, c’est celle réunissant Isaac, Cécile, Jacques, Maurice et Alfred Schenkel, arrêtés avec leur mère Esther à la Bachellerie et déportés vers Auschwitz le 13 avril 1944 après l’exécution de leur père Nathan. Ils avaient fui Strasbourg comme beaucoup de familles juives pour se réfugier en Dordogne…
C’est donc à la Bachellerie que les destins de Jean-Marc Parisis et de ces enfants se croisent. Ils ont vu le même village, la même boulangerie, la même église, les mêmes collines… Ils ont eu le même âge au même endroit, même si les enfants ont été assassinés dix-huit ans avant la naissance de l’écrivain.
Quelle est cette histoire qui lui avait été cachée jusque-là ? Quel est le secret de la Bachellerie ? Jean-Marc Parisis mène alors une enquête sur le destin tragique de ces enfants, sur la manière dont « son » village s’est comporté durant les années sombres. A cette occasion, il retrouve Benjamin Schupack qui échappa, grâce à l’un de ses voisins, au sort qui lui était pourtant réservé. A l’aide des souvenirs de ce témoin, des archives, l’auteur raconte, sans jamais succomber au romanesque, ce que fut l’histoire du village de son enfance, du village de ses aïeux.
Mais cette enquête se double d’une quête, plus personnelle. Ces enfants disparus, retrouvés ici, ressemblent à ceux de l’enfance de l’auteur. Il y a dans ces figures, dans ces vies, un peu de la sienne car les hommes, les âmes sont liés par les lieux au-delà du temps.
Selon la terminologie nazie, ces enfants étaient « indésirables ». Jean-Marc Parisis en fait des « inoubliables ». Toute la force de son récit réside dans ce mouvement, dans ce regard lucide et ému porté vers le passé : « Dans ma tête et dans mon dos, ils m’appellent. Je me retourne » note l’écrivain. Touchés, traversés par cette histoire, nous ne pouvons que nous retourner avec lui, nous retourner pour eux…
Arnaud Genon
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