Les Garçons de l’été, Rebecca Lighieri
Les Garçons de l’été, Rebecca Lighieri, P.O.L, janvier 2017, 448 pages, 19 €
Ecrivain(s): Rebecca Lighieri Edition: P.O.L
Il y a du capitaine ad hoc, de l’aigle fin, du Tintin et de la miloute chez Rebecca Lighieri (aka d’Emmanuelle Bayamack-Tam). Elle se fait apparemment ici mère Teresa des surfeurs et d’une certaine jocaste sociale. Rechignant à l’ouvrage mais pas à la jalousie, quand à la jouissance ne demeure que l’envie, il arrive que pour un garçon de la plage cher aux « Beach-Boys », la mer devienne un water l’eau.
Plutôt que de conter fleurette, suite au méfait d’un requin-bouledogue qui ne se contente pas de donner mal de chien et peau bleue, l’auteure entame un roman séduisant car épouvantable. Elle mixe la cruauté aux faux-semblants d’un milieu où les conventions mensongères deviennent une blague chauffante. Jouant les Hippocrate des hypocrites, la romancière mériterait sans doute un prix de vertige tant elle anticipe toujours de quelques mots la parole dite, et ce, même si l’oral est hardi.
Plutôt que cirer les pompes de la fiction, elle y introduit des circonstances sanguines en entrant dans le cercle des surfeurs disparus. Ils deviennent des Horace coriaces jouant de bien des audaces avant que jeunesse ne passe. Le roman devient une belle leçon d’inconduite de ceux qui se baignent dans la mer turquoise puis rouge.
Les déliés sont remplacés par de nombreux dés pipés qui tentent d’abolir moins le hasard que la destinée. A peine rhabillés les surfeurs font des vagues. L’azur, l’azur, l’azur cher à Mallarmé sombre en des horizons qui ne répondent plus à appel des sibylles lointaines. Reste le jeu des masques sur la glaise humaine. La littérature façon Rebecca est donc comparable à celle de l’oublié René Belletto : elle ne parle plus du haut de la condescendance même si beaucoup d’écrivains font penser le contraire. N’existent ici ni trop de notes, ni trop de peinture mais la juste musique d’un tableau de genre où tout prouve que nul ne peut être et avoir l’été.
Jean-Paul Gavard-Perret
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