Les enfants de Lazare, Nicolas Zeimet (par Catherine Dutigny/Elsa)
Les enfants de Lazare, septembre 2018, 296 pages, 19 €
Ecrivain(s): Nicolas Zeimet Edition: Jigal
« Et le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandes, et le visage enveloppé d’un linge. Jésus leur dit : déliez-le, et laissez-le aller ». Ce passage de L’Évangile selon Saint Jean contant la résurrection de Lazare nous interroge sur la possibilité d’une vie après la mort, sur la frontière ténue entre l’état conscient et l’arrêt définitif des fonctions cérébrales. Par extension, il nous interpelle également sur les expériences de mort imminente (EMI) avec ses visions, ses sensations de « décorporation ».
Sujet de réflexion aux frontières de la philosophie et du mysticisme, que l’on soit croyant ou non, sujet d’interrogation pour les médecins et les scientifiques qui peinent toujours à définir de manière précise le passage de la vie à la mort, mais aussi un sujet fort tentant pour des auteurs de romans policiers, de thrillers ou de fantastique.
Nicolas Zeimet s’en empare en privilégiant l’enquête journalistique, l’empathie avec les victimes et l’entêtement du héros principal dans la recherche de la vérité au détriment de ce qui aurait pu n’être qu’une exploration clinique supplémentaire du phénomène, colorée de suspense plus ou moins sanguinolent.
Son héros, Pierre Sanak, journaliste reporter d’images (JRI) à France Télévisions, s’ennuie ferme dans un travail dont il pense avoir fait le tour quand sa vie tant sur le plan personnel que professionnel va être chamboulée par une succession d’évènements majeurs :
– tout d’abord sa rencontre fortuite avec Agathe une jeune femme musicienne d’origine cambodgienne, aussi fantasque que désirable, adoptée dans son enfance par un couple de riches Français, dont Pierre tombe amoureux, mais qui se suicide en se jetant de la Tour Eiffel et ce, sans raison explicite,
– puis cette dépêche relayée par la presse mentionnant le décès de Sokhom, un jeune Cambodgien qui venait de vivre une EMI après avoir été déclaré mort par noyade dans la région de Siem Reap au Cambodge.
Le journaliste sent confusément un lien entre ces deux décès étranges, ces deux existences trop brèves, et décide de partir enquêter sur place, c’est-à-dire, comme il va rapidement le découvrir, dans un pays encore meurtri par le génocide de masse perpétré par les Khmers rouges et où perdurent les trafics d’enfants dans les nombreux orphelinats disséminés autour de Phnom Penh et dans la jungle. Des enfants pas tous adoptables selon le droit international et pas forcément en conformité avec la loi cambodgienne sur l’adoption votée en 2009.
Le pays mal guéri des plaies d’un passé sinistre, toujours en proie à une corruption endémique, à une justice de qualité médiocre, est propice au développement d’abus envers les plus démunis. C’est aussi un terrain d’expérimentation privilégié pour des médecins et des scientifiques peu encombrés de considérations humanitaires, tenaillés par le goût de la découverte scientifique spectaculaire qui les rendra célèbres ou par l’envie folle de retrouver dans le cadre d’une EMI la présence d’un être cher disparu. Un pays où enfin le tourisme est une manne à double tranchant.
Nicolas Zeimet, via le travail d’investigation de son héros journaliste, prend un soin méticuleux à explorer tous ces aspects en évitant de sombrer dans la caricature. Il se fait également le portraitiste délicat d’un pays aux paysages d’une beauté exceptionnelle et le guide (parfois un peu trop touristique) de l’incontournable temple d’Angkor. Comme dans son précédent roman, Retour à Duncan’s Creek, ou dans Seuls les vautours, prix Plume d’Or 2015, les véritables héros de cette histoire sont des enfants ou des adolescents, ici victimes de la folie des adultes. C’est en partie cet attachement à l’enfance qui rend les thrillers de Nicolas Zeimet profondément attachants ainsi que sa capacité à créer une « ambiance » dans laquelle le lecteur se coule avec de délectables frissons.
Il y a chez Nicolas Zeimet un romantisme noir qui s’épanouit avec bonheur au fur et à mesure de ses publications et fidélise ses lecteurs.
Catherine Dutigny
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