Les en dehors, La liberté pour horizon, Stéphane Beau (par Olivier Verdun)
Les en dehors, La liberté pour horizon, Stéphane Beau, Éditions du Petit Pavé, 2011, 186 pages, 18 €
Avec Les en dehors, Stéphane Beau publie son troisième roman qui s’inscrit explicitement dans la veine de quelques-uns de ses auteurs favoris – Henry David Thoreau dans Walden, Ernst Jünger dans Eumeswil, Cormac McCarthy dans La Route et, en filigrane, Albert Camus dans La Peste. Le livre n’est pas non plus sans rappeler le film de Sean Penn, Into the Wild.
L’auteur opte du début à la fin pour une écriture on ne peut plus limpide qui rend la trame narrative facile à saisir. Une épidémie de peste birmane sème la mort et la désolation derrière elle. Aucun antibiotique ne réussit à enrayer son inexorable progression dans toute l’Europe : « Les frontières se fermaient les unes après les autres et chaque gouvernement faisait de son mieux pour limiter la casse et éviter la panique ».
Léopold Fort, un ancien libraire qui a tout plaqué pour se retirer, seul, avec son amour des livres et sa misanthropie, dans une bicoque en ruine sise au milieu de nulle part, se prend d’affection, à son insu, pour Colas, un orphelin de sept ans qu’il croise par hasard et dont il sauve la vie in extremis.
Il se retrouve ainsi, du jour au lendemain, dans la peau d’un assassin en fuite, rongé par la culpabilité, qui n’a pas eu d’autre choix que de tuer : « Il a tué. C’est ainsi, c’est un fait qu’il ne pourra jamais effacer, pas plus de l’ordre des choses que du fond de sa mémoire. Ce n’est pas tant l’acte en lui-même qui l’effraie que la simplicité avec laquelle il a pu le commettre. Il n’y a rien à faire, aucune échappatoire possible : la violence est bien viscéralement chevillée à la nature humaine. Même lui, le pacifiste, le doux, le tendre Léopold, lui qui a toujours aimé se décrire comme étant incapable de faire du mal à une mouche, lorsque le moment est arrivé d’appuyer sur la détente d’un fusil, il n’a pas hésité une seule seconde ».
Le monde va de mal en pis. L’enfant et l’ancien libraire se font arrêter par les gendarmes. Ils sont conduits dans une vielle ferme fortifiée, entourée de miradors, où les personnes contaminées ou suspectées de l’être sont mises en quarantaine. Les chances de ressortir vivant du camp sont infimes. Léopold et Colas font la connaissance de Louise, institutrice dans la banlieue sud de Bordeaux, elle aussi en quarantaine. Le trio réussit à s’échapper. Louise et Colas finissent par s’enticher l’un de l’autre. Leur escapade les mène dans une grotte où ils s’installent provisoirement. Puis la vie reprend son cours. L’épidémie de peste est enfin vaincue. Les interdictions de circuler sont levées. La petite famille décide de s’installer dans la maison de Léopold, à charge pour lui de la retaper et d’y installer l’eau et l’électricité. Colas se remet alors à écrire : son roman s’appellera… Les en dehors !
Un livre, au final, sympathique, agréable à lire, empreint de bons sentiments, dont le parti pris didactique, les saillies un peu faciles (« – Ah non… Désolé… Je n’ai jamais entendu parler de Denée… C’est quoi leur spécialité : les crottes ? ») et la trame narrative souvent attendue pourront néanmoins agacer quelque peu le lecteur exigeant.
Olivier Verdun
Né en 1968 à Nantes, Stéphane Beau anime la revue Le Grognard dont le dernier numéro a fait l’objet d’une recension dans La Cause Littéraire (*). Auteur de romans (Le Coffret, Pavillon A), de nouvelles (La Chaussure au milieu de la route), et d’un recueil d’anecdotes et d’aphorismes (La Semaine des quatre jeudis), il a supervisé la réédition d’œuvres de Georges Palante, Jules de Gaultier, Edward Carpenter, Maurice Drack… Il collabore également au Magazine des Livres et au blog littéraire « K-libre ». http://stephane-beau.blogspot.fr
(*) (http://www.lacauselitteraire.fr/revue-le-grognard-n19-autour-du-sentiment-oceanique.html)
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