Les doigts rouges, Keigo Higashino
Les doigts rouges, mars 2018, trad. Sophie Refle, 237 pages, 21,80 €
Ecrivain(s): Keigo Higashino Edition: Actes Noirs (Actes Sud)
« Akio et Yaeko étaient mariés depuis dix-huit ans. Un supérieur d’Akio les avait présentés l’un à l’autre et ils s’étaient fréquentés un an avant leur mariage. Ils n’étaient pas passionnément amoureux mais n’avaient ni alternative ni raison de se séparer. Elle avait accepté sa demande de peur de ne trouver personne d’autre si elle attendait plus longtemps ».
Les faits sont simples, précis, et le texte est d’une extrême limpidité. C’est l’une des caractéristiques de ce roman et de l’écriture de Keigo. Tout paraît clair (nous reviendrons d’ailleurs sur ce qualificatif). Et puis survient quelque chose, un rien d’incongru. Dans Les doigts rouges, c’est un sac poubelle noir dans le jardin. Maehara Akio, le mari, soulève le sac et là, il aperçoit une paire de pieds menus. Une petite fille gît, morte, dans la verdure. L’auteur de ce crime, Maehara Naomi, est un préadolescent, le fils d’Akio. Yaeko, sa mère, ne craint qu’une chose : que son fils chéri soit confondu et que le déshonneur retombe sur sa famille si les faits sont révélés au grand jour.
Les évènements s’enchaînent alors quasi naturellement, c’est le fatum. Elle demande à son époux de se débarrasser du corps. Celui-ci cache le cadavre dans des toilettes publiques les plus proches. Il faudra alors peu de temps à l’inspecteur Kaga Kyochirō, dont le père est en train de s’éteindre, et à son jeune cousin pour établir le lien entre le corps de l’enfant et la famille Maehara. Mais chez les Maehara, il y a aussi la mère d’Akio, Masae, qui aux yeux de sa belle-fille ne compte pas. C’est là, à l’apparition de l’élément perturbateur, où toute la finesse et la subtilité de Kaga prennent leur mesure.
Au-delà d’une remarquable étude sociologique du Japon contemporain : problèmes intergénérationnels, jeunesse perdue, digne de figurer au programme d’études de civilisation japonaise, c’est une véritable œuvre d’art que nous livre Keigo. En effet, l’écriture de ce dernier n’est pas sans rappeler la peinture de Katsushika Hokusai surnommé le Fou de dessin. L’auteur de la fameuse Grande vague de Kanagawa qui inspira La Mer à Debussy. Hokusai publia un Hokusai manga qui certes ne se réfère pas aux mangas tels que nous les connaissons aujourd’hui mais qui inspirèrent les auteurs de bandes dessinées, notamment belges (cf. Tintin) adeptes de la fameuse ligne claire. Tout paraît simple et limpide, juste quelques petites touches de pinceaux et les scènes des livres de Keigo apparaissent devant nous. Il n’est pas étonnant que cet auteur qui s’inscrit ainsi dans la culture japonaise ait un immense succès dans son pays. Prenons toute la mesure de l’œuvre de Keigo Higashino !
Jean-Jacques Bretou
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