Les contrées de femmes-malédiction !
Azul Picasso !
Par excellence, la femme et l’art représentent l’ennemi farouche des islamistes. Pourquoi la femme et l’art font-ils peur aux islamistes ? Tout simplement, parce qu’ils symbolisent le chemin ascendant vers la liberté et vers la beauté.
En permanence, les Algériens, de même les Arabes et les musulmans, ont la tête et l’œil collés, braqués sur une seule partie du corps féminin !? Focalisation sur un seul organe ! Hallucination ! Obsession ! Quatre-vingt-dix pour cent de leurs discours tournent autour de la nudité ou autour de la couette sur le corps féminin !
Habité par cette situation maladive obsessionnelle, et afin de dénoncer cet état sociétal inhumain, j’ai écrit Le Miel de la sieste, roman paru aux éditions Barzakh 2014, dans lequel je raconte l’histoire d’un petit garçon, Anzar, né avec une malformation génitale. Il est né avec deux petites boules asymétriques. Et voici la folie qui court tout le village : la maman, la tante, la sœur, le père, l’oncle… tout le monde est affolé. L’état d’urgence décrété dans le village. Un enfant avec deux testicules inégaux ! Le ciel va tomber sur les têtes !
Le musulman naît atteint d’une maladie appelée « la maladie de la femme » ! La mère, la sœur, l’épouse, la tante, la cousine, la fille… elles sont la cause de tous les maux de la société ! La femme est la sœur de Satan ! Elle est la mère de Satan ! Elle est la tentation ! Elle est la cause de toutes les faillites dans la vie de l’homme ! Elle est le mal ! Son corps est une catastrophe naturelle qui frappe les hommes, menace leur existence et leur raison d’être, si raison existe !
À l’heure de la révision de la Constitution, nous sommes occupés, très occupés, par la question de « la jupe » courte ! à l’heure où Daech menace le pays, les hommes sont préoccupés par les « jambes » découvertes des femmes ! à l’heure où la crise économique menace la nation, les hommes font « les gardiens du lit » ! Azul, Picasso !
Même Picasso n’a pas été épargné ! Comme vous tous, j’ai suivi ce qui a été écrit, ce qui a été dit à propos de son œuvre Les femmes d’Alger créée en 1955. Le tableau le plus cher de l’histoire. Le 11 mai 2015, il a été vendu à 179,3 millions de dollars.
Au nom du « nif » (l’orgueil), quelques voix, sur les réseaux sociaux, ont demandé de cacher les seins des femmes peintes dans cette toile ! Même l’art cubique, surréaliste, n’a pas le droit d’exhiber le corps d’une femme musulmane !! Et nous sommes soucieux des seins nus d’une femme algérienne peinte par un Picasso qui a séjourné à Tiaret !
Au nom du « nif » et afin de sauver l’honneur de la femme musulmane, quelques autres voix ont demandé l’acquisition du tableau pour ainsi le détruire ! Et ainsi, on finit, et pour toujours, avec la honte !
Nous vivons l’ère des ténèbres.
Lors d’une de ses expositions, une dame s’est approchée de Picasso en lui disant : « C’est nu, c’est sale ! » L’artiste lui a répondu : « Madame, la saleté est dans votre tête ! »
La saleté s’éternise dans la tête du musulman d’aujourd’hui. Ce dernier n’arrive pas à faire la distance entre une création artistique immortelle d’un côté et ses convictions moralistes et moralisantes de l’autre.
La culture daechienne (de Daech), de plus en plus, prend le dessus dans les jours des musulmans. La destruction sauvage, en février 2015, des statues dans les musées de Mossoul en Irak, n’était que le début d’une guerre aveugle contre l’art, contre l’Histoire. Et ce qui se prépare pour les ruines archéologiques, mémoire de l’humanité, dans la ville de Tadmur en Syrie tombée entre les mains des milices de Daech, sera pire et catastrophique.
Amin Zaoui
"Souffles" in "Liberté" (Alger)
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