Les Cinquantièmes hurlants, Tom Buron (par Didier Ayres)
Les Cinquantièmes hurlants, Tom Buron, Gallimard, février 2025, 80 pages, 17 €

Géographie du monde
Géographie du monde fut le titre de mon mémoire de troisième cycle sur Le Soulier de satin de Paul Claudel. Je dis cela à dessein, car j’ai retrouvé cette émulation des mers, des voyages et des désirs sacrés, ici, dans ce recueil que Tom Buron publie chez Gallimard. J’y ai été confronté à une sorte de dérive des continents, d’un glissement du poétique. Donc, à la fois une hospitalité et à une inhospitalité des régions australes. Quelque chose d’une matière sacrée que Claudel illustre avec la présence de la Croix du Sud. Donc, un mouvement habité, un récit fusionnel.
Sommes-nous dans la quête de Pequod de Tom Buron ? Et cela fait, quel voyage au milieu des mots et des embruns ? Sommes-nous plus dans L’Odyssée que dans Moby Dick ? Dans le transport vidéographique d’Ocean Wuong ? Oui, nous demeurons en poésie.
Dans cette cabine je trace ma route et prends
des notes sublunaires sur le sabord, me crois
à Terre, j’envergue dans le parage des coudées
franches et ça donne : Agni, anabase, basilic et
lycanthropie, dépenaillée, ligaturé, un crucifié
en polychrome, anabase arachnéenne d’un
rocher à un autre et trente-sept montres plus loin,
l’envie de naufrage.
C’est essentiellement le monde aqueux, fluide, instable, mouvant, dérivant dans un espace maritime, une mer australe habitée de mots, des mers, des villes côtières, des espaces nautiques, des épopées bizarres et variées. Il y a un peu du Mowgli de Kipling. Un esprit de jeunesse.
Pour affermir mon idée, je dirai que l’idée du voyage sur mer, est une fantaisie intérieure. Il y a surtout un voyage au-dedans (comme l’est en propre Le Voyage fantastique de Richard Fleischer, déambulation de science-fiction dans le corps humain à bord d’une navette miniaturisée). Ici, les replis des valves, de la courbure des vaisseaux sanguins (veines qui portent donc des noms de bateaux). Ce poème est-il une mappemonde Brunhes et Bruley (comme celle que j’ai dans mon bureau) ? En tout cas, il invite, il offre, il donne.
Didier Ayres
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