Les chemins de la rédemption, Wiley Cash
Les chemins de la rédemption, février 2015, traduit de l’américain par Anne-Laure Tissut, 300 pages, 21,50 €
Ecrivain(s): Wiley Cash Edition: Belfond
Gastonia, ville de la Caroline du Nord.
Easter et Ruby, deux sœurs âgées respectivement de douze et six ans, vivent dans un centre d’accueil suite au décès de leur mère victime d’une overdose. Le père, Wade Chesterfield, a disparu de leur vie quelques années auparavant après avoir renoncé à ses droits parentaux. Sauf que Wade Chesterfield réapparaît de nulle part, enlève ses filles et les entraîne dans sa fuite.
Brady Weller, ex-flic reconverti dans la vente de systèmes de sécurité après avoir tué accidentellement un enfant, accepte la proposition d’un juge et devient le tuteur d’Easter et de Ruby. Sauf que Brady Weller, divorcé, éprouve déjà bien des difficultés à dialoguer avec sa propre fille.
Pruitt, videur dans une boîte de nuit, se voit confier une mission par son patron : retrouver un magot qui lui a été dérobé et accessoirement éliminer celui qui s’en est emparé, à savoir Wade Chesterfield. Sauf que Pruitt a une raison personnelle d’en vouloir à Wade et de se venger.
Le FBI, quant à lui, aimerait bien mettre la main sur ceux qui se sont emparés du fourgon qui contenait le magot. Sauf que Brady est plus rapide et plus futé que les agents fédéraux.
Rien de bien original quant à la trame de ce roman noir… un sentiment de déjà lu, de déjà-vu.
Sauf que : Wiley Cash donne la parole à Easter, à Brady et à Pruitt pour narrer cette course poursuite. Trois voix distinctes avec leurs intonations spécifiques, leurs parlers, leurs questionnements, leurs réflexions, leur manières d’envisager le monde et les rapports humains, en particulier filiaux ou paternels. Du cousu main.
Il fait le choix délibéré de ne pas tomber dans le pathos, d’évoquer, de suggérer plus que de donner à voir. L’écriture est simple et pudique. Les amoureux des scènes trempées dans l’hémoglobine y seront pour leurs frais.
Il décrit avec finesse une Amérique de 1998, non pas celle des déboires de Bill Clinton, mais celle qui vit suspendue aux résultats du duel entre Mark David McGwire et Sammy Sosa pour battre le record de « home runs » détenu depuis 37 ans par Roger Maris. Le baseball, sport national américain, que pratiquaient Wade et Pruitt, ex-joueurs professionnels, et que pratiquent Easter et Ruby, est le fil rouge qui lie les principaux héros entre eux. La batte peut changer de main, devenir l’instrument qui tisse une complicité au sein d’une famille à recomposer, prouver la valeur de chacun, redonner confiance en soi-même ou devenir un instrument de mort. Un sport qui devient un prétexte pour échapper à la réalité, se construire sur de nouvelles bases ou pour régler ses comptes. Tout un programme !
De ce point de vue, Les chemins de la rédemption est un roman très américain et peut parfois désorienter un lecteur français peu féru de baseball, comme il peut laisser sur sa faim un amateur de roman noir violent. En revanche, la force évocatrice des rapports de filiation, la précision des détails mettant à nu les dérives liées à la pauvreté, à la drogue, la finesse des traits de caractère des personnages, emportent l’adhésion. Wiley Cash excelle à entrer dans la peau d’une adolescente et les chapitres où Easter vit et exprime ses sentiments ambigus, mélange d’amour et de haine envers son père, procurent un réel plaisir de lecture. Le suspense qui pêche parfois par manque d’adrénaline, finit par devenir relativement secondaire. Un paradoxe lorsque l’on sait que ce livre a obtenu en 2014 le très british Gold Dagger Award, prix littéraire du meilleur roman policier de l’année.
Sur ces chemins de la rédemption empruntés par Wade et Brady, le poids des rêves avortés ira en s’allégeant vers une issue qui, sans être un « happy end », laisse entrevoir la naissance d’un amour partagé et l’apaisement de cœurs malmenés.
Un joli moment de lecture dans la veine de son premier roman Un pays plus vaste que la terre, déjà très remarqué.
Catherine Dutigny/Elsa
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