Les Bourgeois de Calais, Michel Bernard (par Stéphane Bret)
Les Bourgeois de Calais, Michel Bernard, La Table Ronde, Coll. La Petite Vermillon, avril 2023, 240 pages, 8,40 €
Ecrivain(s): Michel Bernard Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon
Quand on nomme le nom d’Auguste Rodin, on pense très spontanément à ses œuvres les plus connues, Le Penseur, ou encore L’Âge d’airain. Le roman de Michel Bernard décrit la rencontre et les liens qui se nouent au fil du récit entre Auguste Rodin, sculpteur déjà consacré et reconnu, et Omer Dewavrin, Maire de Calais. Nous sommes en 1884, à l’approche du centenaire de la Révolution. Omer Dewavrin souhaite faire ériger un monument en hommage aux Bourgeois de Calais, ces six hommes qui offrirent les clés de la ville aux Anglais pendant la guerre de Cent ans, en 1347, épargnant ainsi à la ville de Calais une probable dévastation par les troupes ennemies.
Dès la première rencontre, rue de l’Université, siège de l’atelier de Rodin, une nécessité esthétique s’impose à ce dernier : rappeler les couleurs du ciel flamand, les nuages de la mer du Nord : « Il affirma que ces hommes d’autrefois, ces Français du Moyen Âge, les avaient vus, ce ciel, ce soleil, cette mer, comme lui, comme tous les Calaisiens ».
Rodin comprend d’emblée que l’hommage sera réussi si les spectateurs s’identifient naturellement à ce sacrifice des Bourgeois. Après ces premiers contacts qui ne permettent pas d’établir un lien de confiance définitif entre les deux hommes, Rodin surprend son interlocuteur : il lui expose un projet de maquette de la sculpture, bien plus ambitieux, plus impressionnant. Omer Dewavrin, que l’auteur décrit comme un homme soucieux du bien commun, « un homme de sens pratique, positif et raisonnable », qui a aussi appris dans sa jeunesse à se tenir à distance des passions, prend conscience de la pertinence et de la justesse de son choix de Rodin comme sculpteur : « Il voyait, dans une soudaine accélération du temps, quelque chose qui demeurerait. On viendrait de Paris, des quatre coins du pays pour admirer l’œuvre que Calais allait élever à la mémoire de ses héros ».
On trouve également dans le récit de Michel Bernard des précisions quant à l’entourage de Rodin ; ainsi, le rôle de Rose Beuret, son épouse, est-il évoqué : « Cet inlassable dévouement lui appartenait à elle, Rose Beuret, couturière, née à Vecqueville, Haute-Marne, le 9 juin 1844. Cela, quoi qu’il pût arriver, personne ne pourrait jamais le lui enlever ».
Bien sûr, plusieurs passages du livre font mention de la présence de Camille Claudel dans l’atelier de Rodin et de son concours. Un échange de regards qui a lieu en présence d’Omer Dewavrin lui fait comprendre les liens entre Auguste Rodin et Camille Claudel : « La jeune fille l’aidait, il la formait en même temps. Melle Claudel était la plus douée des apprentis qu’il n’eût jamais eus ».
Les Bourgeois de Calais est un roman qui nous fait partager l’enthousiasme, l’implication des deux personnages, l’artiste et l’édile dans la réalisation de ce projet qui marqua de son empreinte l’histoire de la sculpture française. Il rappelle le contexte du centenaire de la Révolution de 1789, dont les manifestations commémoratives voulaient rappeler les Français aux notions de dévouement et de civisme. En cette occurrence, ce fut réussi.
Stéphane Bret
Michel Bernard a publié dans la même collection : Mes Tours de France (2014), Les Forêts de Ravel (2016), Deux remords de Claude Monet (2018), La Tranchée de Calonne (2018), Pour Genevoix (2019), Le Bon Cœur (2020).
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