Lénine 1917, Le train de la révolution, Catherine Merridale
Lénine 1917, Le train de la révolution, mars 2017, trad. anglais Françoise Bouillot, 280 pages, 24 €
Ecrivain(s): Catherine Merridale Edition: PayotLa première chose à dire sur ce livre est la richesse de sa documentation. Trente-huit pages de renvois vers d’autres œuvres attestent que ce récit historique fait partie des livres majeurs sur le sujet et que rien n’a été laissé au hasard. C’est bien une synthèse de ce qui a été écrit que Catherine Merridale nous propose.
Le train de la révolution est celui dans lequel Lénine a voyagé pour rentrer en Russie depuis la Suisse où il est en exil depuis 1905. Un long, un très long voyage à travers l’Allemagne, la Suède, la Finlande et son achèvement à Petrograd. Le révolutionnaire exilé, assez peu connu en Russie, n’a pas participé au début de la révolution populaire. Quand il revient en Russie, le Tsar a déjà abdiqué et un gouvernement provisoire a été constitué.
La ligne de fracture entre les deux camps – Mencheviks et Bolcheviks – est avant tout le maintien ou le retrait des troupes russes dans la guerre contre l’Allemagne. Ce qui veut dire que tous sont instrumentalisés par les puissances étrangères concernées. L’Allemagne a intérêt à ce qu’une paix séparée soit signée pour porter son effort de guerre sur le front de l’ouest, et les alliés veulent le contraire. De là à dire que les Allemands ont aidé Lénine, partisan de la paix, c’est une évidence. De là à dire qu’ils ont financé les bolcheviks, rien n’est vraiment avéré, mais probable.
Catherine Merridale, dans un livre parfaitement bien traduit par Françoise Bouillot, nous raconte une drôle de révolution. Comment Lénine s’est employé, par idéologie, à faire chuter la tentative de mise en place d’une démocratie. Les paysans voulaient la terre, Lénine voulait que l’état la confisque pour diriger ensuite sa répartition.
Les choses étaient en place depuis des mois quand il arrive à la gare de Finlande de Petrograd. Mais Lénine est un idéologue agitateur qui anime les foules par ses harangues et son journal La Pravda. Il risquait encore un procès pour haute trahison dans l’été 1917, mais les preuves ont manqué. Il gagne par un coup d’État en octobre 1917 qu’on a mal nommé « révolution d’octobre ». Le livre s’arrête juste avant et c’est bien ce qui le rend passionnant.
Comment un individu, caractériel, rigide, autoritaire, peu connu et peu aimé, qui ne concède rien, prêt à tous les crimes (guerre civile) pour installer sa dictature du prolétariat, a pu provoquer un renversement qui est devenu un bouleversement de l’histoire. C’est l’histoire d’un parcours hors du commun, certes, mais orchestré par l’étranger pour ses propres intérêts. Lénine a tenu au chaud une place que Staline, son fidèle, n’a eu qu’à prendre et même sans doute plus tôt qu’il ne l’avait imaginé.
En conclusion, bien sûr il faut lire ce livre, mais surtout s’interroger sur le comment, à chaque fois, un dictateur s’appuie sur la misère d’un peuple pour le martyriser encore plus. L’histoire en regorge.
Lire ce livre, c’est déboulonner une statue de Lénine, et c’est une bonne chose. Merci à l’auteure de nous y avoir invités.
Gilles Brancati
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