Le Voyage du Dité, Bruno Edmond
Le Voyage du Dité, 2012, 438 pages, 25 €
Ecrivain(s): Bruno Edmond Edition: Les Vanneaux
Embarquez sur le Dité.
Votre voyage sera une
envolée de l’âme (certes
douloureuse par endroits,
mais d’une richesse de silex
nu).
Soyez frères des chuchotements
et des cris qui ont été soufflés par
toutes les bouches qu’a dessinées
Dante.
N’ayez pas peur d’être remués jusqu’
au plus intime des profondeurs avec
quoi se confond l’intériorité quand le
rêve l’entraîne dans sa déflagration
d’images
et de rythmes. Semblables rythmes
donnent au Voyage du Dité l’afflux
du sang de ce qui n’a pas de pré
nom, pas d’autre nom que le
mystère.
Prenez la main de l’homme
Aux dents
D’or
Un extrait :
« A la sortie du fleuve, au large des rives, dans chaque cellule-cabine, les sangles sont retirées des corps des déments, des démentes, les anneaux de fer dévissés des bordures des matelas et, dans ce premier jour, qui est nuit, de haute mer, les malades détachés sont sevrés de toute pharmacopée tandis que la stridente lumière blanche s’abaisse et se tamise. Alors lentement, très lentement, s’éveillent les déments, s’éveillent les démentes.
“Eveil progressif, recouvrement des sens au ralenti”, notent, face aux écrans, les surveillants. Dans chaque cellule-cabine l’éveil s’étire, dure des heures, parfois des jours.
“Eveillée en quinze heures”.
“Eveillé en trente-six heures”, notent, face aux écrans, les surveillants.
Sur les matelas les corps, mâles et femelles, sont laissés nus. Sur les matelas les corps sont immobiles. A l’intérieur des corps, ultimement, règnent les drogues, stagne le grand brouillard des narcotiques. Seule à l’intérieur des corps remue la vie végétative. Les cœurs battent. Les poumons soulèvent et abaissent les poitrines. Les sexes urinent. Les intestins défèquent. Heure après heure, infinitésimalement, les drogues de l’hypnose s’évaporent. La chose obscure, l’esprit des fous prenant son temps les réintègre. A l’intérieur des corps, le haut mal rampe vers ses trônes.
Sur les matelas une main se crispe, des jambes s’écartent, mollement, une tête glisse sur un côté. Des choses qui bougent et qui se voient parcourent la nudité des corps. Comme un grand ver sous la peau un nerf se tend. Comme un hurlement dans un rêve un muscle se contracte. Electriquement, un membre se plie. Dans les visages des déments et des démentes s’ouvrent les yeux ».
Matthieu Gosztola
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