Le tour du monde du roi Zibeline, Jean-Christophe Rufin
Le tour du monde du roi Zibeline, avril 2017, 384 pages, 20 €
Ecrivain(s): Jean-Christophe Rufin Edition: Gallimard
Auguste Benjowski est le roi Zibeline, étonnant roi de Madagascar marié à Aphanasie de Nilov, qui est reçu à Baltimore chez Benjamin Franklin pour lui demander d’affrêter un bateau à destination de l’île malgache, en vue d’initier des échanges commerciaux avec l’Amérique. Tel est le point de départ de ce récit de voyage qui prend place au siècle des Lumières et de l’Encyclopédie, de sorte que le lecteur hésite entre une réécriture des philosophes des Lumières et les mémoires d’un aristocrate aventurier.
Les narrations croisées d’Auguste et d’Aphanasie font en effet alterner les univers de Voltaire, de Rousseau, de Diderot, avec un zeste de Marivaux. Ainsi, lorsque c’est Auguste qui s’exprime sur son enfance et sa formation intellectuelle, on se croirait dans Candide ou l’optimisme de Voltaire, avec Pangloss, puis dans une scène de bataille entre les Abares et les Bulgares, avec les canons. En effet, Bachelet, philosophe et précepteur du jeune comte, est détesté par le père du futur roi Zibeline et chassé du château. Auguste, lorsqu’il quitte à son tour le domaine familial de Hongrie, se trouve engagé dans la guerre de Pologne à laquelle il prend part. Dans le récit des années de formation d’Aphanasie, en revanche, c’est chez Rousseau et dans La Nouvelle Héloïse que le lecteur est transporté.
Lors d’un voyage à Paris, Aphanasie se prend d’amitié pour Julie de T. Celle-ci fréquente le salon de M. de Holbach où l’on prend connaissance du Supplément au voyage de Bougainville de Diderot, que l’on commente. S’ensuit un épisode de marivaudage libertin avec un jeune marquis vénitien, pour rendre Auguste jaloux, sur le conseil avisé de Julie. Auguste découvre et manifeste alors son sentiment amoureux pour Aphanasie.
Plus directement, ces histoires sont inspirées des Mémoires et Voyages du comte Maurice Auguste Beniowsky, mort en 1786, explorateur de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie. Hongrois d’origine, Auguste devient Polonais de cœur, part vers le Kamchatka, où il rencontre Aphanasie, jeune noble russe, puis va en Chine. C’est ensuite l’embarquement pour Madagascar, où le roi Zibeline et la reine Magnolia, nouvellement nommés par les Malgaches, renoncent à servir le roi de France. Ainsi que le dit Machiavel : « Ce qu’on ne peut empêcher, il faut le vouloir ».
Après l’entrevue avec Franklin, Auguste et Aphanasie repartent de Baltimore avec leur fils à bord de l’Intrépide. Le récit se clôt sur la mort de Benjowski, roi de Madagascar, exécuté par les Français sur l’île dont il était devenu le roi. Un tel destin ne peut laisser indifférent.
Sylvie Ferrando
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