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Le Talisman, Vaikom Muhammad Basheer

Ecrit par Patryck Froissart 16.06.12 dans La Une Livres, Les Livres, Asie, Recensions, Nouvelles, Zulma

Le Talisman, trad. du malayalam par Dominique Vitalyos, 2012, 210 p.

Ecrivain(s): Vaikom Muhammad Basheer Edition: Zulma

Le Talisman, Vaikom Muhammad Basheer

Douze nouvelles, les unes drôles, les autres sombres, d'autres sombres et drôles à la fois, sont rassemblées dans ce précieux petit  recueil de VM Basheer.

Douze nouvelles, et autant de plongées au coeur de l'Inde fourmillante, grouillante, foisonnante.

 

Douze histoires tirées de la vie quotidienne d'une société, toujours extraordinaire pour l'occidental cartésien,  où se mêlent religions, croyances, de légendes, superstitions, traditions, interdits, où ce qui pour nous est irrationnel trouve son explication et passe pour normal, réel, faisant partie de l'ordre raisonnable du monde.

Ainsi, une "banale" histoire d'amour entre un chien musulman et une chienne hindoue peut avoir des conséquences sur un crucial problème de calvitie, et cela n'étonne personne.

Ainsi le narrateur lui-même se retrouve mêlé à des évènements auxquels il participe pleinement tout en glissant dans son texte, sans grande conviction : "Disons que c'est une histoire de fantôme". Métalangage ironique amusant...

Ainsi on pénètre ailleurs dans le monde obscur des mendiants qu'un handicap ou une lourde malformation rejette aux confins des faubourgs de la misère. On y voit une espèce de fille sauvage accueillir dans la solitude de sa cahute un gnome chassé de partout à coups de bâtons: se forme alors un touchant couple de marginaux, socialement aux antipodes de Bollywood:

 

"Et nous vivons depuis comme deux perruches inséparables, pépiant, volant de branche en branche, extasiés de bonheur, déployant dans les rayons dorés de l'aube les plus beaux sourires de l'amour! Tankam, ma Tankam, oui, car elle est bien mienne, cette aurore de printemps que l'arc-en-ciel irise!"

 

L'auteur sait aussi amuser par la chronique des déboires que connaît l'inculte Abdul Khadar, dominé par son épouse érudite, dans "Pour une patte de bananes-coq" et par la façon dont il retourne finalement, brutalement, à son avantage cette relation conjugale hors norme.

On retrouve au fil du recueil le thème, récurrent dans la littérature indienne, des amours interdites ayant pour protagonistes des membres de communautés différentes, et des amours maudites,  marquées du sceau d'une infamie morale. Le dénouement en est alors tragique:

 

"Je vous aime, et c'est pourquoi je vais mourir. Il me faut cesser de vivre. Le monde n'est plus qu'un magma brûlant, l'océan m'attend, là, devant moi, l'océan sans fond dont la fraîcheur aspirera toute ma souffrance..."

 

Douze nouvelles, donc, d'une grande richesse thématique, bien à l'image de la diversité et de l'intrication des cultures indiennes!

Douze nouvelles, enfin, qui révèlent le talent de conteur d'un écrivain trop peu connu.

Le tout est excellement rendu par la remarquable qualité de la traduction de Dominique Vitalyos, le texte d'origine étant en mayalayam, une des 22 langues officielles de l'Inde, parlée au Kerala, à Pondichéry et dans l'état du Lakshadweep (îles Laccadives).

 

Patryck Froissart


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A propos de l'écrivain

Vaikom Muhammad Basheer

Vaikom Muhammad Basheer, né en 1908 et mort le 5 juillet 1994, est un écrivain indien de langue malayalam et un militant indépendantiste keralais (du Kerala, état du sud-ouest de l’Inde). Basheer quitte le domicile familial à 16 ans pour s’engager dans la lutte pour l’indépendance. Il travaille comme journaliste et participe à la marche du sel, lancée par Gandhi en 1930. Après la répression britannique et un bref emprisonnement, Basheer abandonne le mouvement non-violent. Recherché par la police, il entre en clandestinité. Il voyage dans tout le pays et exerce divers métiers pour vivre. Vers 1937, il retourne au Kerala et commence à écrire des nouvelles pour gagner sa vie. Il parvient tout juste à vivre et ses écrits politiques sont interdits. Surveillé par la police, il est de nouveau incarcéré entre 1941 et 1944. Après l’indépendance de l’Inde, VM Basheer arrête la politique et se consacre à l’écriture. Il est interné à deux reprises pour paranoïa. En 1982, Vaikom Muhammad Basheer reçoit la Padma Shri, décoration civile attribuée par le gouvernement indien à ceux qui se sont distingués dans les domaines des arts, de l’éducation, de l’industrie, de la littérature, des sciences ou du sport. La plupart des écrits de Basheer sont des nouvelles qui reprennent ses expériences vécues : la prison, les relations amoureuses contrariées par les codes sociaux, les musulmans de la campagne keralaise.

A propos du rédacteur

Patryck Froissart

 

Tous les articles et textes de Patryck Froissart


Patryck Froissart, originaire du Borinage, a enseigné les Lettres dans le Nord de la France, dans le Cantal, dans l’Aude, au Maroc, à La Réunion, à Mayotte, avant de devenir Inspecteur, puis proviseur à La Réunion et à Maurice, et d’effectuer des missions de direction et de formation au Cameroun, en Oman, en Mauritanie, au Rwanda, en Côte d’Ivoire.

Membre des jurys des concours nationaux de la SPAF

Membre de l’AREAW (Association Royale des Ecrivains et Artistes de Wallonie)

Membre de la SGDL

Il a publié plusieurs recueils de poésie et de nouvelles, dont certains ont été primés, un roman et une réédition commentée des fables de La Fontaine, tous désormais indisponibles suite à la faillite de sa maison d’édition. Seuls les ouvrages suivants, publiés par d’autres éditeurs, restent accessibles :

-Le dromadaire et la salangane, recueil de tankas (Ed. Franco-canadiennes du tanka francophone)

-Li Ann ou Le tropique des Chimères, roman (Editions Maurice Nadeau)

-L’Arnitoile, poésie (Sinope Editions)