Le portrait véritable, Jean Frémon
Le portrait véritable, mars 2017, ill. originales Jaume Plensa, 64 pages, 13 €
Ecrivain(s): Jean Frémon Edition: Fata Morgana
Jean Frémon aime les contes : il l’a déjà souvent prouvé. Il aime autant les images et s’en est fait le défenseur autant dans ses écrits qu’en tant que « galeriste ». Il danse dans leur cadre, file dedans pour ne plus s’arrêter. Il leur donne de la gaieté par celle que provoquent ses six contes réunis ici et illustrés par un de ses artistes fétiches (Jaume Plensa) auquel il a consacré un superbe ouvrage, Lilliput, aux éditions de la Galerie Lelong.
Apologues et anecdotes, inventées ou non, deviennent l’image des images. L’écriture est riche d’une grâce adolescente, et la lumière semble prendre feu au vol de la rosée de l’herbe. Les gouttes d’eau roulant sur la terre froide deviennent des coraux, des cristaux. Et tout est à l’avenant.
Le poète accepte le sensible comme source première de l’intuition et de la connaissance, l’art fertilise les mots, et les mots l’art, manière de ne pas limiter les capacités des différents langages à décrire le monde dans l’ensemble, les limites de l’humain à connaître.
Si bien qu’ici nul ne sait si l’écriture clarifie l’image ou si c’est l’inverse qui se passe. En tout état de cause, aux pensums logomachiques font place des phrases simples, de courtes propositions pour agencer des arguments fantaisistes. Le conte évite donc la réduction de la dimension des éléments de la pensée, il facilite leur manipulation et leur contradiction tout en assurant une construction solide et en réduisant les risques de défaut ou de rupture sémantique.
Le portrait n’est plus fixe : il vagabonde de manière magistrale dans les humeurs et l’humour de Frémon. L’écriture et l’art ne sont plus ici comme le jour et la nuit. Ils s’assemblent dans un fleuve charriant des fragments pour que surgisse la pulsation directe des images dont la fixité brusquement se renverse, déborde. A ce titre le conte devient poème en prose phosphorescent. Il rappelle « que la vérité est une image ». Mais pas n’importe quelle image.
Jean-Paul Gavard-Perret
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