Le meilleur de l’Europe pour les femmes, Collectif coordonné par Violaine Lucas (par Yasmina Mahdi)
Le meilleur de l’Europe pour les femmes, Collectif coordonné par Violaine Lucas, Préface de Gisèle Halimi, éd. Des femmes Antoinette Fouque, novembre 2023, 9 €
Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque
Hommage à Gisèle Halimi : questions juridiques, Europe des femmes
Cet ouvrage collectif, Le meilleur de l’Europe pour les femmes, est la poursuite actualisée du texte La Clause de l’européenne la plus favorisée, publié sous la direction de Gisèle Halimi en 2008, laquelle avait cofondé l’association Choisir la cause des femmes avec Simone de Beauvoir en 1971.
Défendre une Europe équitable avec la pleine participation des femmes a été le but et le combat de la grande avocate, militante féministe, députée et ambassadrice de France à l’UNESCO franco-tunisienne Gisèle Halimi (née Zeiza Gisèle Élise Taïeb en juillet 1927 à La Goulette, dans une famille juive d’origine modeste, et morte en 2020 à Paris). Droit à l’avortement, à la libre disposition de son corps (sans stigmatiser les « femmes prostituées », ce qui ne fait pas l’unanimité chez les féministes), pour l’abrogation de la peine de mort, « contre la loi de la jungle, celle de l’égalité et du respect de tous », fut et reste le leitmotiv du discours de cette forte personnalité.
Selon Le Maitron, « le féminisme de Gisèle Halimi s’enracine dans la déception (et le récit qui lui en a été fait) suscitée par sa naissance auprès de parents qui espéraient un garçon. Particulièrement fervente, sa mère marqua toujours sa préférence pour ses fils, tandis que son père, désarçonné par la détermination dont Gisèle Halimi fit preuve dès son plus jeune âge (notamment dans le refus d’être assignée à une condition inférieure), ne cessa de lui porter une grande affection » [Sandrine Garcia, mars 2010]. Outre ses nombreuses distinctions et décorations, Gisèle Halimi fut faite commandeur de l’ordre le 13 avril 2010 par Axel Kahn.
Pour Violaine Lucas (professeur de Lettres, diplômée en droit pénal, maire-adjointe de Saint-Nazaire de 2014 à 2021, présidente de Choisir la cause des femmes), alarmée de la montée de la banalisation de l’extrême-droite et de ses conséquences néfastes, il s’agit d’élaborer des législations d’immutabilité en faveur des droits des femmes pour un présent et un avenir meilleurs. Et c’est à travers les contributions de juristes, d’avocates, d’étudiantes ou de professeures, que l’analyse de ces droits acquis ou en cours d’acquisition vont être examinés en toute objectivité, grâce à des statistiques, des comptes-rendus, des lois, des clauses et des conventions de l’ONU.
Nous constatons combien « l’approche idéologique des droits sexuels et reproductifs » séparent les groupes politiques, les uns liberticides, les autres progressistes. L’école, la base de l’éducation, le rôle pivot des parents doivent contribuer à repousser les images caricaturales de la sexualité et de l’inféodation à un genre, pour permettre l’épanouissement et le respect de chaque individu. Violaine Lucas et Noémie Girardot pointent les « mouvements réactionnaires (…) au service d’une idéologie liberticide (…) en matière d’éducation sexuelle [ainsi que] toute une série de mesures ouvertement LGBTQI-phobies et antiféministes reprises dans certains états membres » de l’Europe. La contraception gratuite et de libre accès, l’avortement, le divorce, la PMA (procréation médicalement assistée), sont la proie de reculs brutaux de la part de nombreux pays européens (concomitant à la progression du fascisme). Le phénomène est pire en ce qui concerne le mariage homosexuel et la reconnaissance des transgenres.
Ainsi, Maria Cornaz Bassoli, Manon Maillart, Sakshi Arya, Lisa Gordet, Adèle Monod, Ana Cuesta, Manon Kerivel, Hanane Rebiha (et bien sûr Violaine Lucas et Noémie Girardot), se penchent sur les modèles familiaux et économiques des femmes ainsi que sur l’application et l’entérinement des lois et des droits de celles-ci dans l’Union européenne, sans « procéder par mimétisme avec les familles traditionnelles et la filiation biologique ». Plusieurs actes doivent être redéfinis afin de favoriser la parité femmes-hommes, la protection de l’enfance, la mise en place de systèmes de protection et d’aides judiciaires et sociales, et de « mesures de sensibilisation à la violence de genre à l’école et dans les médias ». Le collectif s’inscrit contre la barbarie, les mutilations sexuelles, le validisme médicalisé, le contrôle et la soumission, les cadences inhumaines de rendement au travail – une nouvelle forme de paternalisme postmoderne ?
« L’écart salarial » entre hommes et femmes, les enjeux de la carrière, les congés de maternité et de paternité, « l’âge de départ à la retraite », sont des dispositifs qui varient selon les États membres. Il est somme toute nécessaire de déterminer le statut du couple, de l’enfant, de son éducation, de faire prévaloir « l’indépendance économique des deux personnes du couple ». « Cette révolution est d’autant plus nécessaire que les stéréotypes de genre [sont] sciemment maintenus dans l’économie capitaliste au détriment des femmes ».
Un nouveau fléau menace les avancées féministes : « les femmes (…) à la tête d’exécutif dans des pays qui sont très loin d’arriver à la parité dans leurs assemblées politiques (…) peuvent même avoir des positions plus réactionnaires que leurs équivalents masculins ». Ces nouvelles femmes d’extrême-droite sont pour la plupart issues de l’Œuvre Française et du Parti nationaliste français, mouvements ultranationalistes et antisémites. Issues de partis identitaires néo-nazis, ces « fémonationalistes blanches » criminalisent les immigrés et les migrants, s’appuyant sur « une forte racialisation du sexisme » [Magali Della Sudda]. Et selon Francesca Scrinzi, « plus largement, l’égalité entre hommes et femmes, voire certains droits des femmes sont patrimonialisés afin d’affirmer le primat de la nation française sur d’autres nations et civilisations ».
Le meilleur de l’Europe pour les femmes est une enquête sérieuse et aboutie, en prévision d’une construction égalitaire pour toutes et tous.
Yasmina Mahdi
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