Le Livre de la contemplation intérieure, et autres textes taoïstes, Anonyme chinois (par Didier Ayres)
Tao
Le livre de la contemplation intérieure, traduit par Catherine Despeux, ouvre une fenêtre sur la philosophie de Lao-Tseu. De cette fenêtre on aperçoit les thèmes récurrents du Tao-te-King. Au reste, cette plongée dans le cœur du monde oriental, dans le chef-d’œuvre de la littérature chinoise, offre une vue sur l’aspect religieux du texte de Lao-Tseu. Il retrace ainsi une sorte de mythologie avec sa cosmogonie et peut-être aussi une eschatologie. Tout cela conduit vers le concept premier du taoïsme, c’est-à-dire, la Voie. Ces textes anonymes nous y invitent. Ils soulignent surtout l’alliance, délicate à comprendre pour un Occidental, de la philosophie et de la religion. Et même si les conseils d’ascèse de la Bible sont nos références ici, l’on voit nettement comment la poursuite de la Voie rejoint la notion de régénération chrétienne. Je dirai plus en faisant de l’exercice spirituel taoïste une forme de mystique – mystique hindoue, musulmane, juive, chinoise, chrétienne, donc universelle.
Les yeux sont le soleil et la lune,
Les cheveux les étoiles,
Les sourcils le dais fleuri,
La tête le mont Kunlun.
Sont disposés à l’intérieur les palais et les portiques,
Où s’installent paisiblement les esprits subtils et les âmes.
Cette mystique a des ressources diverses, puisant à la fois dans le cœur de l’individu tout aussi bien que dans l’activité du conseil aux puissants ou encore à la vie intellectuelle elle-même. Ce qui reste complexe à mesurer, c’est la mystique des nombres. Par exemple, comment comprendre les 7 étoiles, les 8 lumières, les 6 sens, les 3 âmes visionnaires, les 6 sons ? De là, la possibilité d’un mystère qui se reporte sur la notion de Voie, c’est-à-dire du comportement basé sur le Milieu, la Voie du Milieu. On garde à l’esprit une espèce de scène intérieure, un théâtre de la connaissance religieuse et philosophique capable de nous transporter vers un état de grâce.
Le cœur/esprit, c’est l’âme,
Aux transformations insondables.
Comme elle n’a pas de forme fixe,
Cinq âmes différentes sont abritées dans les cinq viscères :
Âme visionnaire dans le foie,
Âme végétative dans le poumon,
Âme essentielle dans les reins,
Âme volitive dans la rate,
Âme principale dans le cœur.
L’âme porte des noms différents,
En fonction de son emplacement.
Pour conclure sur un dernier lien susceptible de faire comprendre certains traits énigmatiques que procure cette lecture, je ferais un rapprochement de la Voie et du concept de conscience chez Teilhard de Chardin. Ou encore en faisant se recouper la volonté schopenhauerienne avec cette puissance qui permet au sage d’avancer justement dans un sillon plus fort et qui confine à la dévotion. C’est là dire combien ce tout petit livre (en termes de pages) fait scintiller devant son lecteur une lumière venue de Chine de taille à éclairer notre monde (bien sûr, et surtout, parce que l’œuvre de Lao-Tseu est inépuisable, tant philosophiquement que littérairement).
Didier Ayres
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