Le Jour où Vicky Dillon Billon n’a pas bu son bol de lait, Véronique Seydoux, Hélène Georges (par Yasmina Mahdi)
Le Jour où Vicky Dillon Billon n’a pas bu son bol de lait, Véronique Seydoux, Hélène Georges, mars 2022, 48 pages, 16,80 €
Edition: Le RouergueLa petite fille rebelle de l’Ouest sauvage
Le duo formé par Véronique Seydoux la scénariste, née en 1965, enseignante à Belfort et Hélène Georges, l’illustratrice, née en 1978 à Remiremont, formée aux Arts Décoratifs de Strasbourg, livre ce splendide ouvrage jeunesse consacré à l’Ouest américain, au titre qui interroge : Le Jour où Vicky Dillon Billon n’a pas bu son bol de lait. La couverture cartonnée révèle une vision westernienne, celle d’une fillette chevauchant un mustang bleu dans un fond rose et désert. De plus, Vicky Dillon Billon porte un drôle de nom (Dillon est une ville américaine située dans le comté de Summit dans le Colorado, et le billon, un alliage de cuivre, de zinc et d’argent). Vicky est une dynamique jeune africaine-américaine, vêtue comme sa mère d’un habit de cow-boy, coiffée d’un sombrero et chaussée de santiags. Elle se montre désobéissante, refuse de boire son lait et casse son bol. Disputée par sa mère, elle pique une colère si forte que ses nattes volent au vent. Elle se transforme alors en une petite fille rebelle de l’Ouest sauvage, elle-même alliage d’une métisse et d’un cow-boy sans peur et sans reproche.
Vicky Dillon Billon et sa bande de cavalières s’adonnent au brigandage, pillent, incendient, dévalisent les attelages, et Vicky joue même du banjo sur le dos d’un taureau ! Elle déverse sa colère jour et nuit dans l’Grand Ouest, sous le regard étonné des animaux. Voilà le rêve de conquête et de gloire de la jolie petite fermière exaucé, elle, habituée à l’isolement et au calme de la ferme familiale. Ce récit prend l’allure d’une comptine, d’une chanson du Far West où la Bad Girl prend sa revanche sur le Bad Guy et sur les adultes. Vicky joue à Règlements de comptes à O.K. Corral au milieu des grands cactus, dont le saguaro sacré. La flore, le bestiaire et les ingrédients de l’épopée de l’Ouest sont présents : Cactacées, mustangs sauvages, coyotes, poussière, enclos, soleil de plomb, immenses étendues et montagnes rocheuses, chevauchées héroïques… L’histoire s’arc-boute sur une réalité actuelle, celle des femmes travaillant dans des ranchs, en somme un retour à l’ordre naturel amérindien, mettant ainsi à mal le cliché d’hommes brutaux et burinés, dompteurs de chevaux et de femmes astreintes à la domesticité.
Le panorama peint par Hélène Georges se compose de vagues de collines constellées de troupeaux massifs, tel le parc de Yosemite ou les contreforts de la Sierra Nevada. La pétillante Vicky Dillon Billon, flanquée de tout l’attirail du ranchero, se montre la digne héritière des frères Dalton. Nantie de bretelles, d’un lasso, d’une corde, pantalon dans les bottes, elle monte à cru et dort en plein air. Vicky débride son mustang bleu (qui préfère mâcher des fleurs), autant qu’elle-même se débride ! Il y a un peu d’art pariétal dans cette expression graphique, caractérisée par le très peu de musculature et de modelé. Les sauterelles sont bleues, les sapins rouges et bleus, comme Vicky. Pourtant, la petite fermière préfèrera siroter sa menthe à l’eau, d’un bleu-vert fluorescent, le seul de l’album. Le texte de Véronique Seydoux donnera la possibilité aux enfants de découvrir d’autres formes d’existences, à l’aide d’un vocabulaire précis, d’audaces de jeux de mots, des points de suspension et surtout de la poétique de l’anaphore.
Dès 5 ans.
Yasmina Mahdi
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