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Le goût des cochons, Collectif, textes choisis et présentés par Bruno Deniel-Laurent (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian 10.09.19 dans La Une Livres, Anthologie, Les Livres, Critiques, Mercure de France

Le goût des cochons, Collectif, textes choisis et présentés par Bruno Deniel-Laurent, juin 2019, 113 pages, 8,20 €

Edition: Mercure de France

Le goût des cochons, Collectif, textes choisis et présentés par Bruno Deniel-Laurent (par Guy Donikian)

 

Publier un recueil de textes en l’honneur du cochon, ou du porc, c’est selon, c’est aujourd’hui aller à contre-courant d’un air du temps qui milite plutôt pour le vegan, pour une absence de plus en plus courante de viande, quelle qu’elle soit, dans nos assiettes. Il y a, certes, des abus intolérables des conditions d’élevage qui font des fermes-usines des endroits de torture plus que d’élevage, conditions qui viennent renforcer la volonté de nos concitoyens de ne plus consommer de viande, à quoi il faut ajouter souvent une sensiblerie exacerbée qui fait de nous des êtres pétris de compassion incapables de soutenir une réalité qui a accompagné l’homme depuis toujours. La civilisation, diront certains, ne pouvait pas ne pas aboutir à la volonté d’éradiquer toute chair dans nos repas, ce qui revient à se passer d’autres traits de civilisation qu’englobe notre art culinaire. Et il s’agit bien de cela, le cochon est ici honoré en tant que trait de civilisation, élaboration du goût, art culinaire donc.

Il n’est qu’à lire l’introduction de ce recueil de textes pour se convaincre qu’avant les fermes-usines, avant les conditions d’élevage indignes, le cochon était respecté : « Nos pauvres bêtes, concentrées dans l’étuve des fermes-usines et soumises aux pires manipulations, sont devenues omnipotentes et invisibles : les cochons se retrouvent dans les gommes à mâcher, le Nutella et les crèmes de beauté, mais ils ont disparu de nos campagnes ». Et Bruno Deniel-Laurent de nous décrire ces matins au cours desquels il assistait, enfant, à la mise à mort du cochon élevé à la ferme. Il ajoute qu’il n’aurait pour rien au monde manqué ces matinées qui le mettaient en relation avec une ambivalence liée à la mort de la bête et « à la sensualité d’un cochon offert en holocauste pour notre impérialisme carnassier ».

Il y a tout d’abord des Apologies avec des textes courts mais efficients qui vont de Paul Claudel à Winston S. Churchill en passant par Guy de Maupassant qui accorde au cochon une conscience que n’ont pas les bovins et autres ovins : « Mais les misérables cochons devinent le sort qui les menace, ils crient avec fureur en refusant d’avancer ». Et comment ne pas apprécier l’aphorisme de Churchill : « Les chiens vous observent avec vénération. Les chats vous toisent avec dédain. Donner-moi un cochon ! Il vous regarde dans les yeux et vous considère comme son égal ».

La deuxième partie du recueil s’intitule Charcuteries, et là nous entrons dans le vif du sujet, dans le cœur du propos, dans le goût, le savoir-faire, l’excellence au service de nos papilles, même si certaines recettes peuvent surprendre. Tout d’abord cet extrait de texte écrit au premier siècle avant J.-C. qui rappelle qu’alors « la charcuterie des Gaules a toujours été renommée pour l’excellence et la qualité de ses produits ».

Blandine Vié, auteur du célèbre livre publié en 2005, Testicules, nous rappelle l’origine du mot truie qui a supplanté le féminin logique de cochon, la coche, peu usité de nos jours. Il faut lire ces lignes qui nous remémorent l’étymologie parfois triviale de certains termes. Et plus loin, on revient aux Romains qui appréciaient particulièrement la viande de porc, et plus spécialement la vulve de truie dont on retranscrit ici la recette d’un certain Apicius, auteur d’un livre de cuisine De re Coquinaria. « Une fois cuites, farcir les vulves et les coudre. Les plonger dans un mélange d’eau, d’huile d’olive, de garum et d’aneth avec un petit bouquet garni et cuire ». Appétissant non ! Et comment ne pas avoir l’eau à la bouche quand Bruno Deniel-Laurent fait l’apologie des rillauds d’Anjou qu’on nomme rillons en Touraine.

Suivent quelques Avanies avec entre autres un texte de Victor Hugo, et viennent enfin des Mythologiesavec des textes de Zola et de Verlaine. Le goût des cochons est un petit ouvrage qui rappelle que le cochon, depuis bien longtemps, a accompagné l’histoire humaine, l’a favorisée diront certains, malgré les similitudes que le porc et l’homme partagent, similitudes qui seraient à l’origine de l’interdiction, chez d’autres, de consommer sa chair délicieuse.

 

Guy Donikian

 

Bruno Deniel-Laurent, réalisateur et auteur, a notamment publié L’idiot du palais à La Table Ronde, et auteur de nombreuses monographies historiques.

 

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