Le goût de la Méditerranée, collectif (par Philippe Leuckx)
Le goût de la Méditerranée, présenté par Jacques Barozzi, juin 2019, 112 pages, 8 €
Edition: Mercure de France
Qui ne s’est nourri de la culture née des bords de la Méditerranée ? D’Homère à Elena Ferrante, en passant par Paul Morand, Daniel Rondeau, tant d’autres, Barozzi nous invite à refaire ces voyages incessants d’un bord l’autre, d’une rive l’autre, d’une langue l’autre. Sans elle, que serions-nous, Européens ?
Dans une préface qui place les enjeux très haut, l’auteur dit ces « racines mémorielles », son « rayonnement culturel », nous plongeant dans les ressorts d’un passé si fécond qu’il ne peut manquer de rejaillir sans cesse, puisqu’y est né l’art de « conter » des plus grands. Le bleu des flots, le bain des langues, le commerce, les relations, les voyages ont fait le reste.
Le spécialiste de cette zone magique de civilisation, Fernand Braudel, en étudie « l’espace et l’histoire » : pour lui, la Méditerranée est « un très vieux carrefour », source de nombreux « étonnements » avec les fruits de ses bords et de ses climats.
Avec le poète d’Alexandrie, Constantin Cavàfis (1863-1933), la poésie devient, sous la bannière d’Ithaque et des voyages sans fin, une invitation précieuse au voyage méditerranéen :
Garde à l’esprit toujours Ithaque.
L’arrivée là-bas est ton but.
Mais ne hâte en rien ton voyage.
Qu’il dure des années, cela vaut mieux (…)
Fernandez évoque avec ferveur « Mamma Napoli », avec sa misère, ses fausses splendeurs, son vacarme, son baroque et ses désordres. Gênes, Tanger, Istanbul doivent beaucoup à la plume d’un Morand ou d’un Daniel Rondeau pour « ceux qui s’enivrent de l’ensoleillement des eaux ». Camus a chanté Tipasa, « les pluies d’Alger », « les filles fraîches, les plages », apte à entraîner son lecteur « me retrouver parmi les ruines ». Sous la plume nuancée de Lampedusa, l’auteur magistral du Guépard, la Sicile nous est proche, avec ses provinces reculées, ses bâtisses de jadis, cette terre « véritable à l’égard de laquelle les villes baroques et les orangeraies ne sont que colifichets négligeables ». Des auteurs d’aujourd’hui, Pamuk ou Gaudé, puisent à l’univers méditerranéen les ressources de leur art : sinon comment expliquer cette quête épuisante des racines pour l’un comme pour l’autre, tentant tous deux d’arracher au passé des atmosphères, des cadres, des personnages ?
Philippe Leuckx
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