Le fils de la montagne froide, Han Shan
Le fils de la montagne froide, trad. chinois Daniel Giraud, 128 pages, 8 €
Ecrivain(s): Han Shan Edition: Editions de la Différence
Han Shan, dont on ne connaît ni les dates de naissance et de mort, a vécu au VIIe siècle de notre ère. Y-a-t-il eu un ou deux Han Shan ? Les historiens divergent, à ce propos.
En tout cas, Montfroid (Han Shan, montagne froide) est un poète de premier plan, qui, ermite, vagabond, laissé-pour-compte, a donné au poème bref de fameuses lettres de noblesse pour traiter de thèmes universels : la montagne-refuge, le passage du temps, le temps des livres, celui des amis, la nature, les oiseaux, l’errance propre à ces poètes extrême-orientaux (dans le droit fil de Han Shan, combien d’autres !).
La lucidité, l’intelligence des propos, l’économie des moyens mis en œuvre font que cette poésie élève, se reconnaisse comme insigne.
Remarquables, en effet, ces notations prises sur le vif, consignées sur les rochers de la pérégrination. Remarquable cette vision du monde, où la solitude est matière porteuse au même titre que les objets des rencontres : pépiements d’oiseaux, rochers, arbres.
La poésie traverse le lecteur grâce à un véritable travail d’entomologiste du réel et de soi :
p.51 : Je m’endors un instant sur un oreiller de nuages blancs
p.57 : le corps interroge l’ombre : que suis-tu ?
p.67 : qui peut dépasser les attachements du monde / s’assoit avec moi au milieu des nuages blancs
p.71 : au centre du cœur, comment encore des soucis ?
p.91 : oubliant le chemin d’où il est venu
Le titre, pages 97 et 111, prend tout son sens :
Combien de gens/ ne connaissent pas le fils de la Montagne froide
…
(il) est toujours ainsi/ demeurant seul avec lui-même/ sans naître ni mourir
Le poète, revendiquant solitude et marge, et humour aussi, comme atouts premiers de sa démarche, connaîtra la faim, devra se nourrir comme un végétarien au sein d’une montagne qui n’est pas toujours reposante. Il va ainsi au fil de sa vie, âme de vagabond, déguenillé certes, mais entier et pur comme le chant des oiseaux qu’il vénère.
Sa lucidité lui fait écrire, à la fin de cette série de poèmes intenses, le mot « déçu », gage qu’il a pris envers lui-même de se décrire au plus juste, sans faux fuyant.
Philippe Leuckx
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