Le coup de foudre, Frank Wedekind
Le coup de foudre, traduit de l’allemand par Etienne Barilier, février 2013, 159 pages, 12 €
Ecrivain(s): Frank Wedekind Edition: L'Âge d'Homme
Mourir d’aimer
Frank Wedekind est connu pour sa pièce Lulu ou la boite de Pandore dont a été tiré le livret de l’opéra d’Alban Berg, Lulu, et le film de Pabst, Loulou.
Sous le titre prometteur Le coup de foudre sont réunies neuf nouvelles qui parlent essentiellement des ravages de l’amour avec un mélange de délicatesse, de cruauté et de cynisme dont pourraient bien s’inspirer nombre d’écrivains contemporains (des deux sexes pour ceux qui n’ont pas le bonheur d’être hermaphrodites) s’ils cherchaient à déchiffrer autre chose que les plis de leur nombril.
D’amour et, surtout, de la condition des femmes à la fin du 19è siècle.
Le vieux prétendant est une étude subtile du désir féminin et des ravages qu’il pouvait provoquer à une époque où on n’en parlait guère. Wedekind prend le prétexte de l’histoire de Leonie Fischer « une exquise jeune personne » dont le visage « avait plus de douceur que de beauté », et de sa sœur Clara qui est partagée entre sa soif d’amour et son envie mêlée de crainte de coucher avec celui qu’elle aime. Quand elle le rencontre « ce fut comme si elle voyait une aurore boréale ». En proie au désir le plus violent pour l’homme qu’elle aime, Clara souffre comme une damnée ; quand elle passe enfin à l’acte elle est tellement bouleversée qu’elle en meurt.
L’agneau du sacrifice raconte, sans formules inutiles, le destin de Martha, une jeune fille qui a cru découvrir l’amour dans les bras d’un homme sans scrupules. Dès qu’il a obtenu ce qu’il voulait il l’entraîne loin de sa famille avant de l’abandonner pour la première venue qui lui a fait les yeux doux. Martha finit dans une maison close où elle est appréciée parce que « les hommes les plus répugnants voulaient toujours aller avec moi et que je ne disais jamais non ».
Mine Haha est née de la plume d’une vieille dame qui vient de mourir. Elle n’était pas écrivain et le confie sans précaution : « une femme qui gagne sa vie à l’aide de ses charmes me paraît encore infiniment plus respectable qu’une femme qui s’abaisse à écrire des feuilletons, voire des livres ». C’est un texte onirique et ambigu sur la manière de préparer les jeunes filles à suivre un chemin tracé d’avance : celui de l’asservissement auquel leur condition féminine les destine.
La vaccination est une courte nouvelle sur l’aveuglement des maris, leur peur du sexe et leur méconnaissance totale de l’âme et du corps des femmes en général et de la leur en particulier. On ne peut en dire plus sans déflorer ce petit bijou ironique qui, à lui seul, mérite qu’on lise ce recueil.
Fabrice del Dingo
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