Le Bordel des mers, Siân Rees (par Jean-Jacques Bretou)
Le Bordel des mers, août 2018, trad. (anglais) Mélanie Blanc-Jouveaux, 283 pages, 8,50 €
Ecrivain(s): Siân Rees Edition: Petite bibliothèque PayotDans les années 1780 le paupérisme sévit à Londres. En 1783, le mal s’aggrave avec le retour des armées de Sa Majesté, de l’Amérique, où elles ont été battues par les nouvelles colonies américaines. Un flot de cent trente mille hommes vient s’ajouter aux miséreux, aux tire-laine, aux prostituées des quartiers pauvres. La vie étant extrêmement dure, la rapine règne presque partout, il faut manger. La répression est dure. On condamne et bien souvent à mort qui s’est emparé d’une timbale ou d’une pièce de tissu. Il est vrai que les prisons sont pleines.
En avril 1789, cependant, le roi George III (que l’on a dit longtemps atteint de porphyrie) recouvre la raison. Des journées de liesse nationale sont décrétées pour fêter l’évènement et de nombreux convicts voient leur peine commuée en transportation à Sydney Cove (Australie). Il suffit d’accepter les termes de la grâce énoncés par le juge. Les prisonnier(e)s hésitent parce que la peine reste très dure, on n’est guère sûr d’arriver à bon port, et mourir loin du pays est une peine supplémentaire. Néanmoins 237 femmes de tous âges seront embarquées sur le Lady Julian, un trois mâts à deux ponts, pour rejoindre l’autre bout du monde où, on l’espère, elles donneront naissance à une jolie descendance. À bord, la loi est particulière : le concubinage est autorisé et les rapports sexuels aisés. Plus d’un marin prend femme le temps de la traversée.
C’est le cas de John Nicol, le steward dont le journal servira de document de base à l’auteur, qui s’amourachera de la belle Sarah Whitelam. Grâce à ce que nous a rapporté Nicol, on apprend comment, malgré des règles de vie drastiques, pouvaient se répandre certaines maladies. Ainsi, si l’on avait choisi des prisonnières plutôt jeunes, c’était pour éviter selon la loi des probabilités que la syphilis se transmette, pour les mêmes raisons, même s’ils coûtaient chers on prônait l’usage du préservatif en boyau de mouton. Ce qui n’empêchait pas les nombreux rapports aux escales entre la population locale et les convicts. À l’époque on ne connaît toujours pas l’origine du scorbut, on se contente de tester de manière empirique plusieurs méthodes. Beaucoup en sont atteints. De nombreuses maladies se déclarent au passage de la ligne séparant le pôle nord et le pôle sud, il y a très peu de vent, la mer est plane, les eaux sales, les excréments ne sont pas évacués.
Siân Rees nous donne à lire un livre haut en couleur, tenant à la fois de l’ouvrage historique, du document sociologique, anthropologique, et du documentaire sur la marine de la fin du XVIIesiècle, celle du Bounty. Un livre très attrayant dont c’est la deuxième édition française en poche.
Jean-Jacques Bretou
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