Landfall, Ellen Urbani
Landfall, mars 2016, trad. américain Juliane Nivelt, 298 pages, 22,50 €
Ecrivain(s): Ellen Urbani Edition: Gallmeister
Il faut le dire d’emblée, Landfall est un premier roman réussi à différents titres. La quatrième de couverture le présente comme un « roman haletant qui présente le destin croisé de deux jeunes filles ». Ces deux appréciations se révèlent judicieuses quand on entre immédiatement dans le livre. D’un chapitre à l’autre, l’envie de connaître la suite fait qu’on ne lâche pas facilement le volume, tant cette façon d’offrir aux personnages une épaisseur avec la narration progressive de leur histoire est captivante.
Deux femmes roulent en direction de la Nouvelle-Orléans pour porter secours aux sinistrés de l’ouragan Katrina. Nous sommes en septembre 2005, Rose, dix-huit ans, et Gertrude, sa mère, ont des rapports conflictuels comme dans beaucoup de familles. « Bien que Rose eût depuis longtemps oublié les contours du corps de Gertrude, elle soutenait, comme le font beaucoup de filles à dix-huit ans, qu’elle savait tout ce qu’il y avait à savoir sur sa mère. Tu es tellement prévisible ! lâchait-elle avec mépris lorsqu’elle était agacée, reprochant avant tout à Gertrude d’être aussi immuable ».
Une altercation entre la mère et la fille sera la cause de l’inattention de Gertrude : « retire tes pieds du tableau de bord. Doigts de pieds dressés, avec insistance contre la pare-brise. Un bras tendu, une tape pour les repousser ». Telles sont les circonstances de l’accident qui va tout déclencher.
« Alors elle se tourna (attirée peut-être par le bruit des gargouillis) et vit sa mère. Elle ne la regarda qu’une seule fois, brièvement, avant de détourner les yeux et ne plus jamais revoir Gertrude, puisque celle-ci serait enterrée dans un cercueil fermé à l’intérieur duquel Rose refuserait de regarder ». Rose se rend compte que sa mère est morte, il y a du sang partout, elle se sent à peu près bien et va sortir de la voiture après avoir brisé une vitre a coups d’épaule.
« Puis elle posa un pied nu sur le rebord et sauta du véhicule. Elle atterrit de travers sur l’autre corps de travers sous elle. Sur les jambes de l’autre corps. C’est alors qu’elle hurla.(…) Alors même qu’elle tombait, elle partit à reculons, s’éloignant à quatre pattes de la voiture et de sa mère et des jambes de cette personne morte. Ses blessures se remplirent d’une boue de sang. Environ deux mètres plus loin, épuisée, elle s’évanouit ».
Rose va ensuite tenter de trouver du secours, mais la marche est difficile puisqu’elle n’a pas de chaussures. Elle fera demi-tour pour retourner à la voiture, et les seules chaussures qu’elle trouvera seront celles de la personne morte.
« Cette personne morte » est en fait une jeune femme, prénommée Rosy, qui porte sur elle une feuille d’annuaire avec les coordonnées de la famille de Rose… Et la défunte va obséder Rose qui va tout faire pour savoir pourquoi celle-ci avait cette page d’annuaire.
Ellen Urbani nous entraîne dans une véritable enquête, où les destins vont se croiser et où les personnages sont marqués d’un destin singulier souvent, et ce sont des déglingués attachants, des originaux ou des exclus qui nous sont donnés à apprécier.
Guy Donikian
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