La vie rêvée des gens heureux, Katrina Onstad
La vie rêvée des gens heureux, traduit de l’anglais (Canada) par Françoise Rose, sortie mai 2014, 348 pages, 21,50 € (ce livre existe aussi en ebook, 14,99 €)
Ecrivain(s): Katrina Onstad Edition: Belfond
Katrina Onstrad a grandi à Vancouver, en Colombie-Britannique. Critique de cinéma, journaliste reconnue, elle tient actuellement une rubrique culturelle au Globe and Mail. Elle a été nommée pour le prestigieux Giller Prize pour La Vie rêvée des gens heureux (Everybody Has Everything en VO, 2012), qui vient juste de paraître aux éditions Belfond, décidément bien inspirées.
Le pitch ? Un couple urbain, James, réalisateur de documentaires à la télévision, et Ana, travaillant dans un cabinet, ont passé des années à tenter de faire un enfant. Avant de se résigner. Alors que James reporte son affection sur Finn, son filleul de trois ans, Ana se noie dans le travail. Survient alors le drame, l’accident de voiture de leurs meilleurs amis et parents de Finn. L’un mort et l’autre tombant dans le coma, James et Ana deviennent soudain les tuteurs du petit garçon.
Par des flashbacks fréquents, Katrina Onstad nous emmène peu à peu à la révélation d’espaces intimes, de non-dits où chacun va répondre à sa manière à la question de la perte, du doute et du désir, tout en explorant les notions de parentalité et d’accomplissement personnel.
En acceptant l’enfant dans leur vie, Ana et James vont découvrir beaucoup de choses sur eux-mêmes et leur relation de couple. Si James « s’improvise » instantanément un « père » dévoué, les sentiments d’Ana sont beaucoup plus ambivalents, jusqu’à devenir la catharsis de leur vie de couple. Une métamorphose nécessaire pour Ana et qui répond à une question universelle dans nos sociétés modernes : une femme ne peut-elle se réaliser que dans l’unique espace de la maternité ?
Différentes révélations définissent mystérieusement les variations de la vie entre les hommes et les femmes qui réussissent néanmoins à préserver respect, intégrité, et illusion de chacun pour eux-mêmes, pour l’être aimé.
L’écriture subtile, détaillée et profondément sensible de Katrina Onstad nous plonge sans retenue dans l’intimité émotionnelle du roman, de notre vécu. Différentes questions restent alors comme flottantes sur le regard de notre existence passée – à quel moment ne sommes-nous plus vraiment des enfants ? – à quel instant acceptons-nous nos vies ? – la solitude n’est-elle pas le point de contradiction entre l’affiliation objective par rapport à l’image d’une famille objectivée ?
La réponse est sans nul doute dans le désir universel de l’amour que l’on porte à l’autre, que l’on porte à Soi. Lien imaginaire, tel un fil d’Ariane, qui nous pousse malgré nous, malgré les turpitudes de la vie, à découvrir les trésors cachés au plus profond de nous-mêmes – à l’infiniment petit de la matière de l’âme humaine, qui nous fait accepter l’évidence : l’autre, c’est aussi une partie de nous-mêmes.
Article écrit par Marc Michiels pour Le Mot et la Chose
http://lemotetlachose.blog.lemonde.fr/
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