La vie est une affaire personnelle, Valérie Fauchet (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)
La vie est une affaire personnelle, Valérie Fauchet, Editions Ipanema, octobre 2022, 167 pages, 17 €
J’ai rencontré Valérie Fauchet grâce à La Cause Littéraire au moment de la sortie de son premier livre, Une voyante passe aux aveux, cet hymne aux rencontres. C’était précisément rue Saint Benoît dans le sixième arrondissement de Paris, tout près du 5 rue Saint-Benoît où Marguerite Duras résida jusqu’à sa mort. Les détails sont importants car Valérie loue une profonde admiration pour les grands écrivains de la même veine que Marguerite Duras. « Il reste toujours quelque chose de l’enfance, toujours… » (Marguerite Duras). L’enfance, ce parfum poétique qui irrigue toujours l’envie d’écrire et d’en découdre. D’en découdre de quoi exactement ? Personne ne sait, tel est le mystère de l’enfantement. Car écrire, c’est enfanter des personnages et encore des rencontres.
Dans le tournis de ces folles jolies rencontres, Valérie m’a confié la préface de La Cheville, le premier opus de la trilogie de La vie est une affaire personnelle. Roman dans lequel l’été est invincible, où les maisons peuvent être roses et noires, comme dans un défilé d’Yves Saint Laurent et où les parfums sont aussi puissants que le bleu Majorelle. J’ai été tout de suite séduite par cet effluve d’élégance.
Valérie est un auteur (et non pas auteure, elle y tient) « multiste » (pour reprendre l’expression de Charlélie Couture) qui mêle une frénésie d’écriture poétique à la chanson, aux romans, aux scénarii de film… Tout en gardant la tête froide grâce à la philosophie. Elle a donc tout naturellement trouvé son mentor dans Gaston Bachelard : cette imagination poétique incandescente et le « psychisme doré » de la rêverie.
Elle aime jouer avec les contrastes. Ne craint pas les chutes des rencontres qui pourraient mal se terminer… « Non je n’avais pas le tako-tsubo », dit l’un des personnages dans son roman La Cheville. « Tako-tsubo » est une expression japonaise qui signifie « cœur brisé » et dont le son résonne comme un tsunami.
Toutes les rencontres malheureuses permettent d’écrire. Les chambres d’hôtel sont d’ailleurs essentielles dans le démarrage des passions tumultueuses. Raison pour laquelle Valérie a tenu une conférence dans le célèbre hôtel La Louisiane, grand refuge des écrivains et des histoires perdues d’avance…
Il y a donc du Hegel dans ce livre, une dialectique des rencontres, qui sont autant d’articulations d’une histoire personnelle. D’où la métaphore de la cheville ! Ce roman nous invite à réfléchir sur la part animale qui sommeille en nous, sur ce « magnétisme animal » qu’évoque Hegel, notre intuition primordiale. Le désir est un antidote à la vision désenchantée de la vie de couple que tend à propager notre société. C’est un élan vital, à l’inverse de la dépendance affective. Et à l’opposé du désir névrotique qui reste bloqué sur un fantasme…
L’amour véritable conduit-il nécessairement à un tako-tsubo ? Ce n’est pas l’avis de Valérie Fauchet, pour qui l’amour « est une joie sans cause qui vous donne la sensation d’exister comme âme et comme esprit ». L’amour est un « jour d’été ». Et l’été, un éternel retour.
Ces amours, « ce faux mot si juste », sont roses de soleil et de belles nuits fantasmées à Marrakech, comme un coup de Sirocco qui tire l’héroïne du roman, Adèle, de l’ennui. L’amour est la seule chose à laquelle croit profondément Adèle. Adèle prend tout au sérieux la plupart du temps. Mais elle se force à s’ouvrir à « des choses enfin légères, le charme de l’éphémère, la liberté en plein air » (1). A « quelques heures oasis » (1) que lui offre son escapade à Marrakech.
La cheville d’un homme ? Pensez-vous que le détail d’une cheville puisse faire chavirer un destin ? « Ce détail, ce mystère, qui peut faire l’été, défaire l’hiver ». Oui il suffit d’un détail pour refaire son monde, pour changer de monde, pour y croire encore.
« Alors pourquoi s’interdire toujours
Certaines histoires d’amour ? », écrit Valérie Fauchet dans le texte de son titre de chanson Masculin Féminine.
« Je veux être amoureuse » (2) pourrait être le refrain de cette histoire personnelle…
Et sera justement le titre musical de ce roman que Valérie Fauchet sort pour la Saint Valentin, avec la voix de Cyrielle Clair en introduction (2).
« Qu’est-ce qui fait que l’on pense à quelqu’un ? », s’interroge Adèle. Pourquoi rêve-t-elle « d’un espace-temps » avec cet homme qu’elle connaît à peine. On peut aimer les gens pour leur façon de se mouvoir dans l’espace, pour des détails qui sont tout et rien à la fois.
« Dès le premier instant
Par hasard dans la rue
Rien n’est plus important
Que l’alchimie des sentiments inconnus »
(Chanson Masculin Féminine, Valérie Fauchet)
A la fin du livre La Cheville, l’auteur a glissé quelques textes de chansons pour une révérence en poésie, dont Le détail, Chambre d’hôtel et La vie est une affaire personnelle !
Comme l’écrit Caryl Férey, Valérie a « un tigre dans le moteur : l’amour. Belle bête. Et si le monde n’est pas prêt, tant pis pour lui ».
Marjorie Rafécas-Poeydomenge
(1) Extraits du titre musical Les Corps déserts, de l’album Pudeurs de Berthet, texte écrit par Valérie Fauchet, Barclay/Universal (2000).
(2) Je veux être amoureuse, par Valérie Fauchet, Auteur-interprète. Musique, Thomas Lavernhe. Sortie 10 février 2023 sur toutes les plateformes (P)&(C) 2023 Copacabana, Ipanema Music, distribué par Sony Music Entertainment France.
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