La Vallée des Dix Mille Fumées, Patrice Pluyette (par Jean-Jacques Bretou)
La Vallée des Dix Mille Fumées, août 2018, 318 pages, 19 €
Ecrivain(s): Patrice Pluyette Edition: Seuil
Un beau matin, monsieur Henri, 75 ans, se réveille et contemple le monde comme si c’était la première fois. Les yeux à peine entrouverts, il découvre, avec l’étonnement de l’innocent, le plafond de la pièce où il se trouve, puis tournant la tête les murs, enfin baissant les yeux le sol. Il se trouve dans un parallélépipède. Ce dernier est meublé. Consentant à sortir du lit où il se trouve, il va faire ses premiers pas, puis remarquer que sa chambre donne sur une autre pièce et que des fenêtres on peut voir de la verdure et levant les yeux une immensité bleu azur, le ciel. La curiosité de monsieur Henri s’éveille. Il échafaude déjà des projets. Il va déjeuner sur la terrasse, un morceau de planète sans plafond et sans limites, qui lui donne le vertige. Il va subir la nuit, le jour, les intempéries, découvrir les odeurs, le monde. Monsieur Henri va réaliser une expédition dans son quartier puis pris, fasciné par ce qu’il découvre et ce qu’il lit, il va tenter de repousser les limites pour devenir explorateur. Tel Darwin avec le Beagle mais sans le Beagle, pour cause de mal de mer, il va se lancer dans une excursion scientifique. Son but, la vallée desDix Mille Fumées « située en Alaska sur la péninsule qui prolonge la chaîne volcanique des îles Aléoutiennes, à la limite septentrionale de l’océan Pacifique ».
Mais monsieur Henri va d’abord herboriser, recenser, dessiner, classer, collectionner avec fièvre et ferveur tout ce qu’il peut trouver en s’exerçant sur un périple préparatoire dans les volcans d’Auvergne, au Puy de Sancy, en compagnie de son docteur et du nouveau voisin. Puis ce sera le Mont Blanc en compagnie de Balmat et de Jean-Paul.
Avec sa manie de collectionner, de prélever des échantillons, de les annoter, de chercher, monsieur Henri n’est pas loin de nous rappeler Bouvard et Pécuchet, d’innocent on a vite fait de le requalifier idiot. C’est vrai qu’il a ce côté « apprenti scientifique » avec sa manie de collectionner, de rechercher les noms compliqués et de s’en gargariser, de redessiner l’univers dans sa tête. On campe bien le personnage lorsqu’il part en randonnée avec sa camionnette, son docteur et son nouveau voisin. Mais si on oublie la dimension comique de ce monsieur Henri, ses maladresses, il y a une poésie quasi vernienne qui se dégage de ce roman d’« aventure » où tout est vu pour la première fois, où les noms compliqués ont une saveur particulière.
Qu’on qualifie ce roman de flaubertien ou qu’on le lise en se rafraîchissant de toute sa quintessence poétique, on en sortira rajeuni. Ce livre est une source de jouvence.
Jean-Jacques Bretou
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