La Styx Croisières Cie (XII) – Décembre 2019 (par Michel Host)
ÈRE VINCENT LAMBERT, AN I.
Humain, citoyen le plus vulnérable, la République française, la médecine, la banque et la magistrature réunies, t’ayant baptisé Légume, te tueront.
« PERE UBU − « S’il n’y avait pas de Pologne il n’y aurait pas de Polonais ! »
Alfred Jarry – UBU ROI – Acte V, Sc. II
(Jules de Montalenvers de Phrysac : noté dans le Livre de mes Mémoires.)
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Lµ 1 -- La pièce « Ubu roi » trouve son épilogue dans ces paroles incontestables du Père Ubu au sujet de la Pologne et des Polonais. Lui et sa délicieuse épouse voguent sur les eaux de la Baltique, en direction de leur cher pays : « Mère Ubu : Ah ! quel délice de revoir bientôt la douce France, nos vieux amis et notre château de Mondragon ! » Il est laissé à l’appréciation du spectateur le soin de juger s’il est raisonnable ou pure folie de quitter la France.
Il semble de nos jours que les Français ne la quittent que pour peu de temps et pour des pays exotiques auxquels ils ne comprennent rien, ne cherchant pas d’ailleurs à les comprendre. Cependant les avions et les trains sont remplis toute l’année, les seuls intérêts de ces va-et-vient étant la brièveté du voyage et la température de l’air. Le couple Ubu, ruiné semble-t-il, revient au pays sur un rafiot dont le père Ubu estime la vitesse avec la précision et la pertinence dont ne peut s’affranchir sans péricliter quelque monarque que ce soit : « Nous devons faire au moins un million de nœuds à l’heure, et ces nœuds ont ceci de bon qu’une fois faits ils ne se défont pas. Il est vrai que nous avons vent arrière. » Quant à l’observation première du Père Ubu, on peut légitimement se demander si d’abord la poule naît de l’œuf ou l’œuf de la poule. Mon sentiment est que depuis toujours n’ont gagné à gagner les terroirs étrangers que les personnes dotées d’une grande fortune personnelle, M. Macron les ayant depuis peu délivrées de l’I.S.F. (Impôt sur la fortune), cette injuste, dégoûtante et inique contribution à la fiscalité nationale. Fiscalité ? Et puis quoi encore ! Notre fortune, ne l’avons-nous pas méritée ? Tant de rapines et d’héritages déversés dans l’impôt ! C’est marcher sur la tête, ne croyez-vous pas ?
µ 2 -- De la chasse et des chasseurs (I). Je me présente. J’ai seize ou dix-sept ans. Mon père, Nemrod de pacotille, m’arme un dimanche d’une carabine à un coup et m’emmène à la chasse privée enclose de grillages où, pour la distraction de pharmaciens à lunettes, de commerçants ventripotents, de notoriétés de village sont livrés aux fusils de 12 et de 16, lapins et cailles d’élevage, perdrix et divers petits mammifères apeurés mais confiants malgré tout. À peine ai-je fait vingt pas dans l’enclos qu’un lapin détale à mes pieds. Sans même viser, dans un mouvement réflexe, je lève la carabine à hauteur de hanche et tire. Le lapin, rien qu’un lapereau, roule dans l’herbe. Je m’approche, il est immobile, du sang coule. Écœuré, je fais demi-tour et sors du champ de tir à la cible. J’irai encore trois ou quatre fois vers cette arène pour ne plus en faire que le tour, y relever quelques bêtes mortes ou blessées. À l’un de ces périples, je rencontre une buse adossée à un arbre, bel oiseau de plus d’un mètre d’envergure, elle est effrayée et ne peut voler son aile droite ayant été brisée par les plombs. Elle me présente,,dressée, l’une de ses serres. Elle s’apprête à me livrer un combat désespéré. Je me défais de mon blouson, le jette sur elle. La voici dans la nuit, à ma merci. Je l’emporte, la loge dans le coffre de la voiture. Avant de repartir vers Lille, je déclare à mon père qu’il va transporter une buse dans sa voiture. Il entre en fureur, me couvre de moqueries devant la chasse tout entière, laquelle me fait de violents reproches. Je ne cède pas, remonte en voiture, gardant la clef du coffre serrée dans ma main. Le retour est silencieux. J’ai ridiculisé mon père devant une troupe de brutes et de fous par mon acte de simple humanité. Une fois arrivé, je vais installer l’oiseau à la cave dans une caisse, sur des paillons et de vieux linges. Il y passera sa première nuit en ville. Avec Jeannine, nos nourrirons l’oiseau pendant plus d’un mois, allant chercher des restes de découpe chez le boucher voisin. Il viendra dans nos mains, puis se remettra à voler à travers la cave. Je lui organiserai des séances d’entraînement puis, un soir, l’emporterai jusqu’à un immense jardin public sis aux confins de la ville et le verrai reprendre sa liberté, voler droit vers le sud, Je fus heureux ce soir-là, malgré un étrange pincement au cœur. Il va sans dire que je n’ai plus jamais tué un animal de toute ma vie.
Par la suite, j’ai vu des chasseurs marcher, fusil cassé, dans les prés, les sentiers, les bois, autour des halliers, partout sur cette terre. Dans leurs têtes d’épingles, je lisais : TUER ! TUER ! … Plus tard encore, c’est au « déterrage » d’une femelle blaireau que j’ai assisté. Opération répugnante qui consiste, pour une dizaine d’hommes aidés de trois fox-terriers, à pourchasser sous terre l’animal solitaire qui se défend avec l’énergie du désespoir. Contre toutes les règles de la vénerie et de l’honneur de la pratique chasseresse, les chiens n’ayant pas réussi à extraire le blaireau de sa taissonnière, les hommes sauvages et sans principes ont attaqué le sol à coup de pelle, mis la bête au jour, le cou saisi dans une fourche de bois, puis l’ont abattue d’un tir de vingt-deux long rifle. L’heure du Journal télévisé approchait et madame attendait. Depuis lors je vomis la chasse, les chasseurs et tout ce qui leur ressemble. Ce qui avait quelque sens à la période néolithique n’en a aucun sinon, aujourd’hui, celui du meurtre. En permettant à l’homme d’user et d’abuser des êtres de la nature, Yahvé-Dieu a édifié le socle de son arrogance, de sa bêtise et de son déshonneur. Là peut-être se trouve le péché originel. Dans la loi du plus fort.
µ 3 -- De la chasse et des chasseurs (II) -- Achevé vers 1387, Le Livre de la Chasse, de Gaston Phoebus, comte de Foix, grand seigneur et sorte de prince du Béarn, homme de gentillesse, selon Froissart, mais aussi homme d’orgueil et de guerre qui précéda de longtemps le Roi-Soleil − Phoebus, tout de même, ce n’est pas n’importe quel surnom ! − le livre donc, traité cynégétique de ce temps-là, comporte de magnifiques images peintes, des manières d’enluminures qui font admirer toutes les sortes de chasses de l’époque (à l’exception de la chasse au vol que Gaston n’appréciait pas). On y voit les animaux chassés à courre par les meutes, attaqués vivants, « servis » par des valets armés de couteaux, pris aux rets, trappés, empalés, tirés à la flèche et au carreau d’arbalète… Le sang coule. Les bêtes souffrent. Elles sont effrayées. Elles vivent l’horreur même de la Création à l’instant de leur mort. Gaston Phoebus prend la parole :
« Je ne devrais enseigner à prendre les bêtes que par noblesse et gentillesse et pour y prendre agrément. Il y aurait ainsi plus de bêtes, si on ne les tuait pas faussement, et on en trouverait toujours à chasser.» Le comte n’ignore rien de sa passion de mort : prendre plaisir. Rien non plus de l’inégalité du combat ni de ses moyens peu honorables : « tuer faussement (par ruse et déloyauté) », pour la seule raison qu’il veut avoir du gibier. Le chasseur de notre temps a compris la leçon… il sait garder la faune sauvage près de sa maison : durant les périodes sans chasse, il remplit les « agrainoirs » pour les sangliers, il laisse du foin aux cervidés. Et s’il sait se priver de chasser c’est uniquement pour favoriser la reproduction animale. Pour le reste, il prétend ne tuer que des « nuisibles », tel le blaireau, le ragondin, le renard, le lynx… Il a exterminé une première fois les loups et les ours. Leur retour est favorisé par certains. Ne sachant plus garder ses moutons, le chasseur repartira en campagne. Bonheur, on va TUER, TUER à nouveau, encore et toujours !!
Gaston Phoebus a beau souhaiter traiter ses proies avec « gentillesse » (soit avec élégance, noblesse, loyalement) il n’ignore pas non plus que la chose ne peut être ainsi. L’anime des passions violentes et simples : « Tout mon temps, je me suis délecté de trois choses : les armes, l’amour et la chasse… Du troisième office, je doute d’avoir eu nul maître. » Il construit une vie, une renommée… Vanité ? Orgueil ? Qui sait ?
µ 4 -- De la chasse et des chasseurs ( III ) Le quotidien Le Monde a récemment consacré deux pages à cet « art » mortel. Je n’ai pu retrouver l’article, mais voici ce dont je me souviens : la France compterait beaucoup plus d’un million de chasseurs, les autres pays européen la moitié moins dans l’ensemble. On y chasse sans interruption tous les jours de la semaine durant la longue période d’ouverture. Se promener en forêt pour les enfants et leurs parents, c’est risquer rien moins que sa vie. Morts et blessés sont nombreux. Le fermier se plaint des dégâts occasionnés par les hardes surpeuplées des sangliers que le chasseur retient en les nourrissant au moyen d’agrainoirs. Qui va payer la dévastation des jardins et des champs ? Voilà ce qui occupe les têtes. Les chasses à courre se déploient partout dans les campagnes et les chemins forestiers. Les bêtes apeurées, réfugiées dans les propriétés privées, y sont poursuivies, forcées et tuées quelles que soient la colère, les protestations, la protection des habitants révoltés par tant de cruelles invasions. Des charcutières entrelardées, d’atroces mégères montées sur leurs chevaux, se prenant pour des baronnes ou des comtesses, insultent et même menacent les promeneurs qui protestent contre cette forme de chasse traditionnelle, certes, mais ressentie de nos jours comme un criminel anachronisme, comme un privilège de l’argent et de cette vulgarité profonde et ancrée jusque dans la langue, qui sont la marque de notre époque.
Les chasseurs vont jusqu’à semer les sentiers forestiers de pièges à mâchoires, de lacets invisibles coupeurs de chemins, de clous, et tout récemment de planches cloutées dissimulées sous les feuilles mortes pour arrêter les vélos, ceux des enfants entre autres, au risque de les blesser gravement ou de les tuer !
J’ai lu aussi que les oiseaux sont chassés en France selon des pourcentages invraisemblables, que leur nombre s’est réduit de 30%. Les trois ou quatre espèces en voie de disparition ne sont pas protégées. On chassera donc ces oiseaux jusqu’au dernier. Les Allemands protègent une trentaine d’espèces. Je me souviens encore avoir lu que dans nos jardins et nos parcs, « mésanges et rouges-gorges » ont disparu. J’avais noté depuis deux étés au moins ce lugubre silence du jardin bourguignon. Y apercevoir un rouge-queue, un pinson, une bergeronnette… cela tient du miracle. En cette fin d’été, un couple de mésanges et quelques moineaux. Soutiennent les chasseurs ces paysans qui imprègnent à l’année la terre de vingt ou trente variétés de pesticides, insecticides (plus de papillons !), herbicides, fongicides et autres poisons qui vont aux ruisseaux, aux rivières, aux fleuves, à la mer… La mort programmée par le compte en banque ! ¨Des enfants atteints d’étranges difformités et maladies dans plusieurs régions. Civilisation ? Oui, peut-être encore un peu, mais civilisation de mort.
µ 5 -- Ils, elles ont dit… écrit.. :.
& - Charles Péguy : « Le monde moderne avilit. C’est sa spécialité. »
« Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit. »
[Cité de « Parking Péguy » par Charles Coustille & Léo Lepage, éd.Flammarion.] Il est bien normal qu’un écrivain mort au front pour son pays, chrétien fervent, dreyfusard, admirateur de Jeanne d’Arc et puissant poète de l’âme, ait pour le célébrer sur nos chemins, le rappeler à nos mémoires, non pas une avenue, un boulevard, une place, une grande rue, mais un arrêt d’autobus non loin de l’université Paris-Est Créteil. Au moins il est chez lui, chez les prolétaires.
& - François Sureau : In Sans la liberté, éd. Gallimard :
« Je tiens pour vain l’exercice de l’indignation. L’indignation suppose je ne sais quel optimisme que je ne partage plus, l’idée qu’une protestation bien argumentée pourrait faire dévier le cours des choses. Nous n’en sommes plus là. Nous nous sommes déjà habitués à vivre sans la liberté… » « … la gauche a abandonné la liberté comme projet. La droite a abandonné la liberté comme tradition, comme élément central d’une tradition nationale au sens de Burke. Le premier camp réclame des droits "sociétaux" comme on dit aujourd’hui, dans un long bêlement progressiste, la deuxième réclame des devoir dans un long bêlement sécuritaire. » (Cf. Le M. - 25-IX-2020)
François Sureau frappe dans le mille ! La liberté de la personne, de la personne unique, réside aujourd’hui dans son entière soumission à une idée, à un mouvement, à un parti, à une secte… Ainsi l’idée, le parti, la secte pensent pour elle, qui peut donc regarder le monde comme un film qu’on lui projetterait pour la distraire. Sans compter que ce « long bêlement » partagé se prolonge d’ordinaire par des sarcasmes, insultes, dénigrements, injures… qui au-delà de ne rien signifier que la haine, répandent partout une puanteur excrémentielle.
& - Ahmet Altan ( in Le M du 22 / XI / 2010) - A.A., est un journaliste turc emprisonné, mis en liberte (le 4 novembre) puis emprisonné de nouveau. Il écrit :
« … l’humanité est un corps maniaco-dépressif périodiquement sujet à des accès de folie […] et c’est à travers de telles crises que l’humanité essaie de résoudre sa contradiction fondamentale, qui est que cohabitent, dans le même organisme, l’intelligence la plus extraordinaire et des stupidités sans nom du genre du " nationalisme ". »
« Tous [les nationalistes] proclament que leur nation est la meilleure, et aucun ne se pose la question de savoir comment parmi tant de nations une seule pourrait bien être « la meilleure ». Ne pas se poser cette question me semble être le point de départ de la bêtise commune. »
Il me semble qu’avec de tels propos, M. Altan ne sortira pas avant longtemps des prisons de M. Erdogan, l’un des plus nationalistes des chefs d’État de la planète. Dix degrés plus bas, on mesure le nationalisme à l’état brut. Il suffit de voir entrer dans le stade ou en sortir des supporteurs lors des matches de football : hurlants, vociférants, insultants, surtout si leur équipe vient de se faire battre, non par l’adversaire, mais par l’ « ennemi » que la police doit protéger de leurs insultes et attaques. Comment, en effet, leur équipe, la meilleure au monde, peut-elle être vaincue par une équipe de joueurs minables venus d’ailleurs. Cela dépasse leur entendement. Ils deviennent fous. Enragés. Les planètes tournent à l’envers. Le désastre ! On voudrait tuer l’arbitre. Émasculer l’entraîneur. Ils maudiraient Dieu s’ils avaient un dieu !
& -- Jules Renard :
« Ne pas se tromper aux figures hautaines et silencieuses : ce sont des timides. » Journal, 21 oct. 1887
Autoportrait, dans une grande mesure !
« Chez moi, un besoin presque incessant de dire du mal des autres, et une grande indifférence à leur en faire. » J, 23 oct. 1887
Mensonge ou presque. Renard se dénigrait volontiers, se dévalorisait pour ne pas paraître outrecuidant.
« Rien de banal comme un état normal. » J., 28 oct. 1887
« Elle m’a fait les honneurs de son corps. » J., 20 oct. 1887
L’automne ne réussissait qu’à demi à Jules Renard ! Certains honneurs réjouissants ne méritaient de sa part qu’un bref constat. Il est vrai que dame Marinette, épouse de Jules, n’a laissé aux éditeurs du Journal de son mari qu’une version largement expurgée !
µ 6 -- Choses vues et entendues. − Les rues de la Ville se remplissent de cortèges protestataires à intervalles fixes. Processions de syndicalistes défendant leurs acquis sociaux. Le peuple ne veut pas finir son existence dans une pauvreté plus accablante que celle qu’il connut durant un demi-siècle de travaux sans intérêt ou très pénibles. Il ne veut pas mourir parvenu au bord de son agonie, sans avoir connu le plaisir d’un voyage, les plaisirs simples du repos, de la vie familiale… Il veut quelques instants de paix pendant lesquels la machine et le système ne l’auront pas piétiné. Des hommes et des femmes seuls, des mères seules ne veulent plus vivre d’une aumône officielle, la pension, ou privée, les œuvres de charité, les magasins de revente… Ils veulent un peu de cette dignité humaine que la machine capitaliste leur refuse. Plus de transports publics, ou alors au compte-gouttes. Les machinistes gardent les trains en gare, les chauffeurs de bus la plupart de leurs bus au dépôt. La plupart des métros sont fermés, seules fonctionnent les deux lignes automatisées. Ceux qui travaillent marchent sur les trottoirs, y font du vélo, de la trottinette… Les voitures s’empilent, font des blessés, on s’injurie, on se bat parfois pour une place, pour un vélib… C’est l’anarchie sans remède. Le chiffre d’affaires des petits commerçants et des artisans baisse dangereusement, des faillites par centaines sont en vue… Notre président Macron et sa vénérable épouse se sont retirés dans un lieu fortifié pour une semaine de repos immérité. Ils n’ont pas eu cette délicatesse de souhaiter un joyeux Noël à leur peuple délaissé, ingouvernable et dont ils aimeraient se passer. Changer de peuple n’est pas si facile à ce qu’il semble. Une ministre d’on ne sait quoi − une certaine Mme Born ? − prendrait ses vacances au Maroc, y étant parvenue à ses frais, en avion, machine ultra-polluante… ce que déplorent les écologistes de fantaisie de l’exécutif, et sans doute tous ceux qui n’ont, de par les grèves actuelles, que peu de moyens pratiques pour se rendre chez leurs parents pour les fêtes.
Voilà le résultat de deux années de macronisme. Le capitaine tient ferme la barre, il veut que ce pays aille au libéralisme financier le plus strict, où l’aune de tout et de rien est l’argent. Certains pensent que Mammon est notre nouveau démon, d’autres qu’il est le dieu que nous devrions adorer davantage, à l’instar des habitants des U.S.A. D’autres savent que nos maîtres d’équipage sont des gangsters déguisés en ministres, secrétaires d’État, parlementaires de tout poil, et principalement d’un poil macronien. Gangsters, grand et petits : du monsieur blanchi sous le harnois, Jean-Paul Delevoye pour ne pas le nommer, commissaire aux retraites qui oublie de déclarer, ses prises d’intérêt dans diverses fonctions, dont l’une est clairement interdite aux représentants de l’État par la Constitution : treize mandats au total, dont il déclare certains gracieusement de son temps et de ses efforts ? C’est proprement incroyable ! On ne le croit d’ailleurs pas, à l’exception de ses complices de l’exécutif, les dirigeants macroniens qui ne voient son départ forcé qu’à regrets. Un exemple clair des allers et retours du cadre officiel au cadre privé et vive-versa. Quant aux gangsters les plus petits, on se souvient de ce monsieur qui invitait ses amis et connaissances à sa table, pour de plaisantes soirées qualifiées « de travail » où étaient servis le caviar et le homard avec les plus grands vins et champagnes tirés des caves de l’Élysée. Non loin d’eux les plus de trois cents députes issus des rangs d’une droite branlante et d’un socialisme discrédité, tous venus « à la soupe », selon l’expression populaire, non à la soupe de poireaux, mais aux consommés les plus raffinés, tous venus « se servir » plutôt que pour « servir ». Du joli monde ! Paris ? Même un Al Capone y trouverait matière à se scandaliser.
µ 6 -- Féminicides. On nous assure (Le M.) que cette année 148 femmes ont cessé de vivre sous les coups de leur conjoint, bon ami ou concubin… L’une des dernières n’avait que 22 ans. On n’est jamais trop jeune pour apprendre la bonté masculine. Je me suis dit : 148 ? Certes, le record de l’année dernière est surpassé de peu, et c’est à considérer. (Je précise ici que je m’exprime « par antiphrase », figure stylistique que certaines commentatrices semblent ne pas connaître). Cependant, ces deux derniers jours une 149e victime a été comptée, et la 150e est venue, une dame âgée, dépecée, puzzle de la mort : on a, dit-on, découvert son cadavre rangé dans le congélateur de la maison, le tout pouvant être au premier regard l’œuvre de son petit-fils. J’étais satisfait d’apprendre ces dernières nouvelles. Bien qu’étant fort peu mathématicien, je soufre mal que chiffres et comptes ne soient pas ronds. Les choses sont en ordre désormais. Ne reste plus qu’à parier (un pari fort peu risqué) que ce beau record sera battu au cours de l’année 2020.
µ 7 µ -- 6 -- -- Il y aura un premier réveillon, à la Noël, puis un second, au 31 décembre. Que mangerons-nous ? Que boirons-nous ? D’excellents mets et boissons que nous digèrerons comme nous pourrons. Les estomacs aussi se fatiguent et vieillissent. Le champagne reste une inaltérable merveille propre à rafraîchir les gosiers altérés. On rira, on plaisantera, on se mettra au lit avec des bulles plein la tête. Au réveil, nous penserons à notre dernier chat qui vient de s’en aller au paradis des chats. Tout sera comme cela doit être. Après… tenir une année encore ! Tenir la rampe du temps. Nous voulons encore écrire, peindre, dessiner, jouer des impromptus, chanter des ritournelles…
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LEXIQUE DE L’ÉCRIVAIN - IX
PRIX LITTÉRAIRES
On m’en a décerné quelques-uns, pas trop. Mon éditeur les voulait lui le premier. Je ne les ai pas dédaignés. Ils m’ont fait plaisir et m’ont fait connaître pour un temps. Quatre prix, d’inégale importance, juste ce qu’il faut pour ne pas devenir un cheval de course.
Après tant d’années, je n’y attache plus guère d’intérêt.
Certains en ont manifesté de la jalousie. C’est ainsi sur les hippodromes parisiens.
PSEUDONYMES et HÉTÉRONYMES
Je m’en étais fabriqué quelques-uns assez tôt. Non pour rivaliser avec un Fernando Pessoa. Non pour m’illustrer (allons donc, s’illustrer !!! ???) dans des genres littéraires différents, mais parce que mon nom patronymique ne me plaisait pas. Ensuite, parce que j’étais peu sûr de moi, éprouvant le besoin de me masquer pour monter sur la scène. Attirance pour les noms de lieux : je fus Yves Wissant, je fus un demi-Russe de la Taïga… et je ne sais plus qui ni quoi.
Si je me suis arrêté sur Host, c’est pour la racine latine hostis ; et encore pour l’ost, l’armée et sa fonction. Une violence certaine m’habitait que l’écriture et la rencontre d’une femme ont jugulée. Un temps, le pseudonyme m’aida à échapper à certaines poursuites, dans le domaine privé, qu’on se rassure.
(Cf. NOM)
GRENOUILLE ET BŒUF
Jamais enclin à me prendre pour un bœuf, et moins encore pour une grenouille, abandonnant le rôle à quelques confrères et à la critique Josyane S.
Qu’on excuse cet instant d’humeur.
INGRATITUDE
La vraie, c’est l’abandon de poste ou de promesse, surtout si l’on vous a fait une grâce, un don… ou si vous aviez promis.
J’y suis tombé de rares fois, mais j’y suis tombé, pour ma honte certaine.
La fausse, c’est encore abandonner le service que vous rendiez à celui dont vous comprenez soudain qu’il ne tient qu’à vous asservir, à ce que vous lui soyez utile et rien qu’à lui, à ce que vous le poussiez vers la place confortable où il s’est imaginé que vous pouviez le conduire : profiteur, pique-assiette, suceur de votre sang, férocement exigeant parfois, ne vous offrant jamais rien en retour et prétextant l’amitié qui ne lui coûte que le mot… Et si vous avez eu la faiblesse de lui rendre le service attendu, il s’empresse de vous en vouloir et de vous dénigrer, ou, pire encore, de vous en demander davantage. Exploiteur en somme, celui-là je l’ai rencontré plusieurs fois et laissé sans remords au bord du chemin.
JALOUSIE
Aucune. Elle déshonore.
ŒIL et l’OREILLE (l’ -)
Ils servent fidèlement l’écrivain, l’artiste. S’il se mêle à leur usage un brin d’intelligence, un soupçon de sensibilité, deux doigts d’intuition, ils deviennent ses détecteurs les plus précis.
PARISIANISME
Je l’ai frôlé par distraction et en raison des circonstances. Cela sent mauvais, très mauvais : artifice, envie, mépris, rance potage médiatique que certains avalent chaque jour que Dieu ne fait pas, chiennerie des appartenances, des soumissions au genre, à la tendance, à la mode du jour, à l’idéologie… Votre interlocuteur vous soupçonnera toujours d’être à son opposite. Ou, certain de ses seules vérités, il refusera d’entendre les vôtres.
Je m’en suis éloigné sans difficulté, puis l’ai oublié.
POSTÉRITÉ
Oui, on peut en parler. C’est d’ailleurs la seule chose à faire car on ne la connaîtra jamais.
Sans tomber dans le pessimisme funéraire d’un Dominique Noguez ̶ « Il faut, pour laisser une petite trace dans la postérité ou même, simplement, dans le monde d’aujourd’hui, un effort aussi improbable que celui qui permettrait de soulever, au fond d’une tombe, la pierre qui la ferme. » ̶ mes restes de bon sens me disent qu’il serait peu raisonnable d’en attendre quoi que ce fût.
RECONNAISSANCE
Il m’est arrivé d’être en position de reconnaître une aide, un bienfait : j’y ai répondu par l’aide et le bienfait, et, si c’était possible, par une proposition d’amitié. Ainsi la connaissance a parfois suivi la reconnaissance. L’échange est humain, inhumains le mépris, l’ingratitude.
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Fin de la Styx Croisière XII, pour décembre 2019
Michel Host
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