La Styx Croisières Cie (4), par Michel Host
« Ma voisine vient frapper à mon huis. Je lui ouvre : – Qu’y a-t-il, ma bonne Marthe ? – Monsieur Jules, ce matin on a trouvé mort notre voisin Delavigne. – Eh bien, quoi ? Il était en âge, non ? – C’est vrai, mais on l’a trouvé sous son lit. – Ça, ça ne m’étonne pas, il nous parlait sans arrêt de son lit de mort… Il aura pris peur ? Le grand naïf aura voulu jouer à cache-cache avec Mme La Faucheuse !
Jules de Montalenvers de Phrysac, Livre de mes Mémoires
Lµ 1. Cette plaisanterie de l’épigraphe, j’en tiens l’idée de la lecture de Le livre contre la mort, d’Elias Canetti. Le grand penseur, dès les premières pages, s’élève contre ce scandale de la mort appliquée aux humains sans qu’il y ait là apparence de raison. Il le fait avec le sentiment d’un désordre et d’une injustice scandaleux, mais souvent aussi avec cet humour détaché qui n’est qu’à lui (présent de l’indicatif, car un écrivain, même s’il s’est persuadé du contraire, ne meurt pas !) : « À chacun de ses anniversaires, il célébrait un petit service funèbre à sa propre mémoire, car n’aurait-il pas pu être déjà mort, après tout ? ».
µ 2. Il fut un temps où mourir était une affaire collective. On ne cachait pas le mort. Bien au contraire, on ornait la façade de sa maison de tentures noires, on venait le chercher avec un catafalque sur roues tiré par deux chevaux noirs. C’était ainsi dans le Pas-de-Calais il n’y a pas si longtemps. Le quartier, le village l’accompagnaient en procession jusqu’au cimetière. On priait à haute voix, on chantait. On ne fuyait pas, on prenait une fois de plus conscience de l’inéluctable.
Lµ 3. « Seul est supportable le savoir de ceux qui ne rendent pas honneur à la mort ».
« Il ne supporte pas ceux-ci, il ne supporte pas ceux-là ; il ne supporte aucun homme : il ne se supporte pas lui-même, qu’est-ce qu’il supporte ? », Elias Canetti.
Quoique je le sois profondément, je ne tiens pas à le paraître, mais je suis un islamophobe, et plus encore un islamistophobe (*) de la plus belle eau. Le citoyen de notre temps, s’il ne tient surtout pas à s’encombrer la cervelle de ce genre de considération, a bien appris que l’islamophobie est le péché mortel de notre temps, et que la catholicophobie est au contraire l’une des vertus cardinales qu’il doit exercer en toute occasion. Les esprits éclairés lui conseillent donc avec énergie de cracher sur son pays de tradition chrétienne, le plus indigne qui soit, et de mépriser en les oubliant ses racines les plus anciennes. Les réflexions d’Elias Canetti que je viens de relever, quoique touchant à la mort en tant que telle et au national-socialisme en premier lieu, s’appliquent parfaitement à l’islam combattant d’aujourd’hui : cette pensée morbide et superstitieuse honore la mort comme un devoir à l’égard de tout ce qui n’est pas elle ; les croyants islamiques ne supportent personne, et surtout pas eux-mêmes, ceci expliquant cela. Le Coran l’atteste. Que les enfants de nos concitoyens à la cervelle programmée, vivant dans le confort de leur ignorance, ne soient pas surpris lorsque, dans quatre-vingts ans environ, dans un temps qui galope, il y aura ici plus de mosquées que d’églises, on enfoncera les portes de leurs maisons pour les égorger eux et les leurs. N’est-ce pas arrivé, déjà, à un prêtre dans une église de Normandie ou du Perche, et à une famille de policiers de la région de Mantes-la-Jolie ?
(*) Rappelons encore et toujours qu’une phobie est une peur, et nullement une haine, même si le mot n’est en notre temps employé que dans ce sens fautif. La haine se dirait, dans le cas de l’islam : miso-islamisme, ou misa-islamisme, du grec μîσoς (haine, aversion).
µ 4. Temps amputé. Mon rein transplanté s’est entiché d’un microbe qui menace de le ruiner. Il faut sortir de la tanière, laisser les travaux… Du 30 mars au 9 avril, ce sera une petite dizaine de jours consacrée à une croisière dans trois hôpitaux parisiens successifs : la Pitié-Salpêtrière (où l’on cernera l’ennemi intérieur), Lariboisière (où le séjour sera d’une douzaine d’heures, mais quelles !), Necker enfin, la rue de Sèvres, mon port d’attache ordinaire. Les ambulances sont de maudits véhicules qui cahotent sur des chemins ornés de nids de poule. Je ne l’ignorais pas, on est très bien reçu dans ces lieux auxquels la plupart des gens en pleine santé ne pensent pas sans frémir. Ils ont tort. Certes la table y est le dernier souci des hôtes (sauf à l’H. Lariboisière) : économies obligent, les poires sont dures comme bois d’olivier, les légumes insipides et issus d’on ne sait quels vergers du Monomotapa. Seuls la salade, les yaourts et les compotes de fruits sont admis par mon estomac délicat. On ne meurt pas de faim. Le bel aspect réside dans le personnel médical, affable et d’une hyper-compétence, toujours prêt à vous rassurer sur les tortures qu’il vous fait ou fera subir. Le personnel infirmier, aidant, souriant, est comme il se doit à votre service jour et nuit, régulier dans ses tâches et souffrant vos plaisanteries les plus spirituelles avec une admirable patience. Je n’abuse d’aucune de ces prérogatives. La plaisanterie hospitalière, de la part des patients, je l’éprouve comme un refuge devant une peur cachée ou la résistance du héros face aux intuitions téléologiques soudain intrusives, inquiétantes. Certains hospitalisés ne plaisantent pas, la maladie doit être prise au sérieux, ils consultent sans cesse leurs portables et autres iPhone, des machines dont je me suis passé jusqu’ici. Je le reconnais, mes contacts avec les miens n’en sont pas facilités. Le côté fascinant des hôpitaux parisiens est que le fameux vivre-ensemble que l’on cherche en vain dans la société paraît y avoir une consistance réelle : blancs de souche, noirs de souche, maghrébins de souche et quelques charmantes asiatiques venues du XIIIe arrondissement, s’entendent pour y travailler dans une collaboration efficace et souvent harmonieuse. On n’hésite pas à montrer à ces dames nos plaies purulentes, nos virils attributs, parfois des chairs empesées ou fripées. Ces belles ne vous tiennent pas rigueur de ces affronts à l’esthétique. Seule et muette, la jeune antillaise chargée de balayer votre chambre le matin, fait son travail avec un dégoût si visible que j’ai le sentiment qu’un de mes arrière-grands-pères a engagé sa lignée sur les chemins de l’esclavage. J’en suis paralysé au point de ne pouvoir que la saluer d’un bonjour auquel elle ne répond pas. L’harmonie et la perfection n’existent donc pas ici-bas.
Lµ 5. Je n’ai lu qu’un livre durant cette mise entre parenthèses, le 3 chats et 2 écrivains des romanciers et nouvellistes Claude Pujade-Renaud et Daniel Zimmermann. Ce dernier a disparu en l’an 2000 (on ne prononce plus le verbe mourir, de nos jours), ouvrage écrit à partir d’un livre de bord que le couple mit en chantier de longtemps. Livre de morceaux choisis par conséquent, écrit par deux plumes en accord pour s’observer, se contempler, s’analyser au cours du temps. Il faut en convenir, surtout si comme moi l’on n’a pas appartenu au cercle des amis les plus proches du couple, mais seulement à celui des connaissances, on y trouve des choses surprenantes, à commencer par une constante autocélébration certainement compensée par l’évidence d’un travail gigantesque, un nombre impressionnant de travaux publiés dans les domaines de la pédagogie (spécialité universitaire des deux auteurs) et de la littérature. C’est une guerre constante en alliance ou contre le monde éditorial. Cela force le respect. On s’aide du concours de nombre de chroniqueurs littéraires en vue, on les invite à sa table (j’en fus, mais pour d’autres raisons), au restaurant… il faut savoir ce que l’on veut. Les résultats de ces rapprochements amicaux portent ou ne portent pas leurs fruits. La création de la revue Nouvelles nouvelles, qui tiendra plus de dix ans, fut une entreprise vraiment héroïque quand on sait à quel point la nouvelle, pourtant abondante, est méprisée et ignorée en littérature française depuis les années 1945, il me semble. Autre élément confondant – mais je dois être un grand naïf – c’est cette manifestation filée comme métaphore tout au long du livre d’un prurit bourgeois chez des écrivains dont les idées et le comportement de gauche m’ont toujours semblé évidents : les robes offertes sont de griffes honorables, les chats de race et d’animaleries spécialisées (les miens furent toujours tirés de la misère des caniveaux citadins), les champagnes des meilleures caves de Reims et d’Épernay, et jusqu’à une montre offerte dont il est souligné qu’elle fut achetée place Vendôme. On pense ce que l’on veut de ces choses, si proches des ridicules de notre société du paraître bourgeois.
µ 6. M. Emmanuel Macron fut récemment au centre d’un entretien avec un journaliste nommé M. Pernaut, connu dit-on comme le loup blanc dans les milieux télévisuels. C’était dans une école de l’Eure, façon de démontrer que l’on fait semblant d’accorder de l’intérêt au monde rural. J’en vis les dix premières minutes. C’était comme toujours un exercice de communication (on communique, ce que je traduis par on ment au peuple français). Le président : « Je dis ce que je fais, je fais ce que je dis ». Cela sentait l’ennui à plein nez et le César de carton-pâte. M. Pernaut, véritablement soporifique, était du moins respectueux de la fonction présidentielle.
Ce ne fut pas le cas de la seconde séance de communication où le président s’offrit durant trois heures aux insolences de deux reîtres du petit écran, MM. Edwy Plenel, dit la Christine Angot à moustaches, et M. J.-J. Bourdin, dit le gourdin, sorte de masque terrifiant sorti des placards du Guignol des Jardins du Luxembourg. Ces messieurs ne furent pas à la hauteur (je leur consacrai 20 minutes) : le président, élevé par les jésuites d’Amiens et ceux du lycée Henri IV, n’eut aucune difficulté à les contrer de son verbe habile et fluant. On ne sut rien d’ailleurs : on a, avec Anglais et Américains, bombardé les réserves d’armement chimique de M. Assad le Syrien, sans provoquer de morts humaines. C’est ce qu’on voulait, tout le monde était été averti des attaques. Pour les cheminots en grève perlée, on ira au bout du processus, ils seront passés à la casserole, tout comme les retraités parvenus à de moyennes pensions après quarante cinq ans de travail. La casserole est républicaine et démocratique. Les mères musulmanes voilées devront quitter le voile, si l’on ose dire, lorsqu’elles accompagneront les enfants des écoles dans leurs promenades récréatives, car elles sont alors des auxiliaires de l’école publique en quelque sorte. Cela m’a paru frappé au coin du bon sens. Les deux sbires journalistiques furent aux yeux de certains de leurs confrères comme des policiers de commissariat interrogeant un gardé-à-vue. Faux irrespect républicain pour la fonction : on appelle le président « monsieur », familiarité surjouée dans le ton des questions, de quoi faire entendre au peuple dépassé depuis deux heures que plus méchant que nous, il n’y a pas ! Au total, presque rien. Agitation des lèvres et des langues. Bruit du vent.
µ 7. La méthode Macron et son discours. Un an que M. Emmanuel Macron dirige notre pays qui désormais est sa propriété exclusive. Il ne lui est même pas utile de faire voter son immense majorité, car à peu près tout fonctionne à coups d’ordonnances et de fins de non-recevoir. Sa méthode de gouvernement, qui vise à une réforme complète dans le sens libéral du terme, devient on ne peut plus claire. Elle est comme la valse, à trois temps : j’annonce que je ferai ce que j’ai promis de faire ; la tête du citoyen est gratifiée d’un solide coup de gourdin fiscal qui le laisse assommé ; je félicite et remercie le même citoyen si ce traitement le laisse étalé au sol, sans forces pour se relever, quasi muet, et je le tance vigoureusement s’il prétend protester encore, faire durer sa plainte, voire se mettre en grève. La pratique magique a lieu au nom du bien commun, du relèvement de l’économie du pays et de l’amélioration des conditions de la concurrence commerciale.
Cela vaut exclusivement pour la classe moyenne barbotant dans le marécage en crue des impôts. La classe des hyper-fortunés a seule bénéficié d’une sublime caresse fiscale : les milliards de l’Impôt-Sur-la-Fortune lui ont été ôtés des épaules. Il était entendu que cette classe choyée garderait ses richesses dans notre pays, qu’elle les investirait dans la production industrielle et commerciale, et que par un effet de ruissellement (nouveau concept économique ?) lesdites richesses retomberaient en gouttes bienfaisantes sur toute la nation. Pour l’instant, aucune pluie d’or n’a été constatée, ces messieurs et dames poursuivent leur pratique habituelle, qui est de mettre leurs magots au secret dans les banques tropicales, dans ce qui porte le nom consolateur de paradis fiscaux. Aucun d’entre eux ne s’est dressé pour dénoncer cette inégalité sociale dont ils sont les seuls bénéficiaires.
À titre d’exemples frappants, les retraités ont été chaudement remerciés pour avoir consenti à un relèvement de leur Contribution sociale généralisée (ils devraient en recevoir les premiers bénéfices dans 2 ou 3 ans) ; les cheminots sont montrés du doigt : non seulement on tente de les rendre responsables de la gestion déficitaire de la SNCF, mais leurs avantages pratiques et financiers disparaîtront dans deux ans : cela se décrète et il n’y a même pas à en discuter ! Les petits patrons d’entreprises seront désormais chargés de rédiger les feuilles de paye de leurs employés. La machine fiscale n’a d’énergie que pour appauvrir les « infortunés » ; aux tribunaux, aux hôpitaux, on retire lieux de fonction et subventions. Tout est à l’avenant. On est las d’en parler.
L µ 8. Charles Maurras. On revient à ce personnage sentant le soufre, écrivain d’extrême droite, antisémite furieux, antirépublicain, idéologue inspirateur de l’Action française et point trop regardant sur les pratiques des nazis et de leurs collaborateurs pétainistes durant la période la plus noire du XXe siècle. C’est à l’occasion d’une conjonction d’événements qu’a lieu cette agitation à son propos : son inscription dans Le Livre des commémorations nationales 2018, puis son éviction de l’ouvrage, ont provoqué un séisme dans l’institution avec la démission de ses membres, et la non-publication finale. La collection Bouquins (Robert Laffont Éd.) publie un ensemble de textes de Charles Maurras, des œuvres et morceaux choisis en somme, très incomplets (1) et où, selon les observations de M. Antoine Compagnon, professeur de littérature française au Collège de France, l’idéologique et le politique prennent le pas sur le littéraire, l’appareil des annotations penchant surtout vers les thèses de l’extrême droite. Ma question, naïve sans doute : peut-on gloser sur les écrits d’un homme de droite sans toucher ou se frotter aux thèses de la droite ? Cela dit, l’article du M (20/IV/2018) consacré à Maurras est encadré de titres et de sous-titres, non pas faits pour encourager la découverte et la curiosité (toujours légitimes selon moi) pour un écrivain peu ou mal connu, fût-il disciple de Satan, mais pour démontrer aux éventuels lecteurs que, le lisant, ils s’approcheront d’un dégoûtant foyer de pestilente ringardise : « Une anthologie complaisante… Un spectre nommé Charles Maurras (Tout un passé hideux et dépassé ! Le lecteur serait-il donc incapable d’en juger ?)… Plus loin, pour des articles complémentaires, les habituelles barrières de sécurité sont posées : « Un penseur et un écrivain daté ». « … ils sont quelques-uns à tenter de ranimer Maurras ». « Petits arrangements avec un mort ». Complète le dispositif une photo de Charles Maurras accompagné de ses gardes du corps dont la tenue s’apparente à celle des gestapistes qui œuvreront en France dans peu d’années. Ces mises en garde, selon moi, sont des interdictions de lire. Qui sent si bien la mort autour de soi doit appartenir aux territoires de la mort, être mort lui-même. Adorable censure qui t’avances dans la nuit et dans ton suaire new fashion ! Dire qu’en 1968, tu étais dans la bouche de tes parents, alors des hérétiques ! : « Il est interdit d’interdire ».
On voit M. Compagnon pris entre les mâchoires de l’étau de la bien-pensance de toujours, qui n’a de cesse de censurer au nom d’une moralité politique qu’elle est elle-même loin de respecter, et l’obligation qu’a tout intellectuel de valeur – et il en est un – de mettre en garde sans barrer le chemin de la connaissance intelligente, ni obstruer les voies du jugement personnel que nul n’est autorisé à interdire à la circulation de la pensée : « … les extraits auraient dû a fortiori être proscrits afin de nous laisser juger sur pièces ». « Moins de textes, mais intacts, c’eût été plus franc ». Et il n’y a pas que du mauvais grain à moudre chez Maurras ; par exemple « … il aurait anticipé l’avènement de la “monarchie républicaine” que la Ve République instituera ». Enfin, sa conclusion, qui est un rejet sans appel de toutes les censures, furent-elles inspirées par cette pensée arrogante et se voulant infaillible de ceux que j’appelle les Jivaro-progressistes : « Le digest de Maurras en “Bouquins” n’épargnera pas cette démarche [celle de se procurer les œuvres complètes], tant il reste indispensable de pouvoir se faire soi-même sa religion ». Oui, je partage cette conviction avec M. Compagnon. C’est finalement au lecteur de se forger sa religion, et à lui seul, sous peine de patauger dans les marigots du demi-savoir induit par l’innombrable prêtraille de la pensée admise, d’errer parmi les ombres de l’ignorance ou du renoncement à l’exercice de son propre jugement.
µ 9. Puisque nous barbotons en eaux troubles, revenons un instant sur cette « marche blanche » (c’était le 28 mars dernier) qui conduisit la foule parisienne sous les fenêtres d’une vieille dame juive, Mme Mireille Knoll, rescapée des camps, torturée et assassinée par un fanatique islamique, au même titre que l’avait été un peu auparavant Mme Sarah Halimi, sans parler des victimes précédentes. Mme Marine Le Pen, au titre de la dédiabolisation (étymologiquement : restauration de l’unité, refus de la division) de son parti, avait cru bon de participer au cortège, de même que M. Mélenchon, ferme soutien des Palestiniens en d’autres lieux et circonstances, et grand partisan de l’immigration islamique en France. Il fut chassé et dut se réfugier dans les lointains. Le verdict de la foule me parut justifié, ses intentions manquaient de clarté. Mme Le Pen fut huée, insultée et poussée hors du cortège, mais elle y revint je crois. Je comprends que des juifs français, représentés par le CRIF entre autres, accoutumés aux insanités verbales de M. Le Pen père à leur égard, en rendent coupable sa fille pareillement. Ils n’avaient pas l’habitude et la nuance n’est pas le fort de la foule. Or, Mme Marine Le Pen, ouvertement en opposition à son père, a depuis un certain temps déclaré publiquement son entreprise de dédiabolisation. Elle s’est affichée, quoique sans renier son appartenance à la droite politique, dans une volonté de rénovation idéologique quant au sujet de l’antisémitisme. Sa présence dans le cortège ne peut avoir d’autre sens. Sans aller jusqu’à la féliciter pour ce pas vers le mieux et la vertu, il eût certainement été plus judicieux d’entamer une discussion publique de rue avec elle, de sonder sa pensée et les chemins qu’elle entend arpenter désormais. À son égard, le verdict m’est apparu erroné. Je comprends aussi combien l’existence de ce parti que l’on veut systématiquement d’extrême droite (et qui l’est le plus souvent), même quand il tente d’évoluer, sert les intérêts des autres partis dans notre système électoral à deux tours. Et que sur un passé toujours brûlant, l’évolution des opinions ne se fait pas en une minute ni même quelques mois.
µ 10. L’iman salafiste de Marseille. Pour une fois, Le Monde (21/IV/18) ne peut édulcorer, minimiser et masquer, en raison de son ordinaire islamolâtrie, la décision que vient de prendre la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) : renvoyer en Algérie l’imam El Hadi Doudi qui, depuis 38 ans, dans sa mosquée marseillaise As-Sounna, prêche chaque vendredi la haine de l’autre, la diabolique division des humains. Trente-huit ans que les autorités françaises tardent à décider, leur faiblesse est de notoriété publique. Il n’y a rien à attendre de l’idéologie islamisto-salafiste, c’est la peste introduite dans notre pays. Une commission d’expulsion française l’avait noté (ce 8 mars), cet iman prêche la radicalité et la haine : « … l’autre est nié dans sa singularité et son humanité. Il est identifié uniquement par rapport à son sexe et à son appartenance ou non à une race, une religion, une catégorie de personnes, ce qui est attentatoire aux valeurs de la République ». Qu’attendait la République pour réagir et agir, pour fermer cette mosquée, la transformer en épicerie ou en garage (comme on fit en Algérie des églises) ou même la détruire par exemple ? C’eût été ma solution. Il faut savoir ce que l’on veut face à la discrimination et à l’intolérance, surtout si l’on milite soi-même pour la tolérance et le vivre-ensemble. L’imam ne voulait vivre qu’avec lui-même et qui lui ressemblait. Il n’appelait pas au djihad, prétend son avocat. C’est peut-être exact. Cependant il retenait dans le Coran les versets suivants : « … les juifs sont des impurs, les frères des singes et des porcs ». Trente-huit ans ? Un escargot réagit plus promptement. Que ce charmant homme aille exercer son verbe en terre musulmane, c’est pour lui la plus aimable des punitions.
On me taxera d’anti-musulmanisme systématique, voire de populisme ou encore de fascisme. On se trompera, je ne suis qu’anti-fanatique religieux, et par ailleurs anti-monothéiste et antireligieux d’une façon générale, considérant que les religions transportent dans leurs bagages idéologiques leurs fables, leurs dieux et leurs diables. Pourquoi cela ? Parce que j’ouvre les yeux et les oreilles, et de temps à autre me plonge dans les textes dits révélés. Parce que je considère que les formules « Si Dieu le veut » et « Inch Allah » signent le renoncement de l’homme à toute sienne responsabilité.
µ 11. Aux humains carnivores. L’homme mange volontiers l’animal qu’il a élevé industriellement dans les pires conditions négatrices de sa dignité d’être vivant, puis le martyrise en lui donnant la mort sous une forme de torture ou une autre, les prescriptions des religieux n’étant pas les moins infâmes sur ce point. Les dieux, ces marionnettes, n’ont jamais rien exigé de tel dans leurs textes dits révélés. Les carnivores veulent ignorer qu’en dégustant leur rôti de bœuf, ils ingèrent du cadavre, se livrant à l’une des plus anciennes pratiques de la nécrophilie.
µ 12. Des intellectuels de ce pays, au nombre de 300 ou de 3000, je ne sais, protestent contre la montée d’un antisémitisme moins français que musulman. Cela fait beaucoup de monde.
Cent imâms éclairés leur répondent dans les pages du Monde. Cela fait peu de monde. Il y a quelque 3600 mosquées sur le territoire français avec un imâm dans chacune d’elles.
J’ai quatre mots à vous dire
Les assemblages étranges et leurs sens divers.
Les grammaires, les lexiques les nomment d’ordinaire « mots composés » qui, pour que deux n’en fassent plus qu’un, sont reliés par un « trait d’union ». Ils sont très amusants, ou surprenants. Je préfère les appeler des assemblages… ceux qu’imaginent les amateurs de bouquets ou de chimères. Ce ne sont pas obligatoirement des monstres. En voici une première dizaine, un ABC en quelque sorte.
L’abat-jour : On le voit aujourd’hui sous la forme d’un chapeau translucide ou opaque, maintenu sur une ampoule électrique. Jusqu’au XVIIIe siècle, j’imagine, les intellectuels à la bougie n’en faisaient pas usage, la lumière des bougies étant parcimonieuse. L’abat-jour répond exactement à son étymologie lorsque dans une ouverture architecturale, il s’ouvre largement à l’intérieur de façon à laisser pénétrer le maximum de lumière (selon le Dictionnaire des mots rares et précieux, chez Seghers), à moins que ce ne soit le contraire (?) : on abattrait le jour ! En outre, il existe aussi l’abat-vent, pour s’en protéger ou en protéger un terrain cultivé.
L’arrière-main : En équitation, c’est l’arrière-train du cheval, que des messieurs comme D. Trump, à la tête des Etats-Unis d’Amérique, et H. Weinstein, confondaient volontiers avec celui des dames. Ils ont dû fuir le grand hippodrome du déshonneur en donnant de la cravache sur l’arrière-main de leur cheval. Ce fut aussi, en des temps anciens : le revers de la main, ou, au jeu de paume, le coup donné du revers de la main.
L’avant-bec n’a plus d’usage que chez les ingénieurs des Ponts-et-Chaussées. C’est, tourné vers l’amont du cours d’eau, l’angle ou l’éperon d’une pile de pont. C’est ainsi, sans doute, qu’a vu le jour l’expression « avoir le bec dans l’eau ».
Le baise-main : Il consiste, chez le galant homme, à lever légèrement la main de la dame pour y déposer un baiser symbolique, en signe d’admiration et de courtoisie. On ne peut le confondre avec le baise-cul qui tant amusait Rabelais mais qui s’adressait exclusivement à l’homme puissant, généreux et susceptible de vous couvrir de richesses ou de privilèges. Très tôt, les écoliers de France et de Navarre usèrent du lèche-cul.
Le balle-queue est toujours bien et favorablement connu dans nos campagnes. Il s’agit de ce charmant petit oiseau gris, noir et blanc que l’on voit parfois dans le pré, ou la cour de la maison, faire danser (sens du verbe baller) avec vivacité sa queue, qu’il a assez longue. Il porte aussi le nom de bergeronnette qui n’est pas moins doux à l’oreille, assorti d’un charme du féminin. On l’appelle aussi hoche-queue.
La belle-à-voir est un double mystère en soi. C’est d’abord une plante dite « d’agrément » appelée aussi belvédère. C’est aussi l’ansérine à balai. J’avoue n’avoir jamais vu ni l’une ni l’autre. Autrefois, les balais des sorcières étaient probablement faits avec de l’ansérine, encore qu’aujourd’hui ils soient fabriqués en matière plastique, dans des ateliers chinois et balaient fort mal.
La cache-folie fut, en son temps, une perruque, ou un toupet, une natte ou un chignon postiches. En ces premières années d’un troisième millénaire, comme déjà certainement aux âges paléolithiques et néolithiques, on ne rencontre et rencontra que des humains sachant cacher leur folie singulière sous d’autres artifices ingénieux. La perruque, c’est évident, couvre et dissimule un cerveau gravement atteint.
La chapechute (sans trait d’union) est une « bonne aubaine due à la négligence ou au malheur d’autrui » : ainsi d’un portefeuille tombé sur la voie publique qu’on oublie de rapporter au commissariat le plus proche, ou d’un parapluie laissé par son propriétaire dans le porte-parapluies. À propos de mon parapluie, je dus un jour réviser mon opinion à cent pour cent favorable sur les jeunes filles : c’était jour de pluie, elles occupaient la table contiguë à la mienne, je m’absentais une minute, à mon retour il n’y avait plus ni jeunes filles, ni parapluie.
Le chasse-bondieu est peut-être encore en usage au fond de nos forêts. C’est un morceau de bois qui sert aux scieurs de long pour enfoncer leur coin. On dit aussi « bondieu ». Le bon Dieu est-il un bout de bois ou un coin ? Il est certain qu’on lui tape dessus de tous côtés. Je pense à cette fable d’Ésope où un soliveau baignant dans une mare épouvante les grenouilles du lieu.
Michel Host
(1) Notamment L‘Avenir de l’intelligence, l’un de ses livres les plus connus
- Vu: 2017