La robe des léopards, Kristopher Jansma
La robe des léopards (The unchangeable spots of leopards) Trad. (USA) Laure Manceau. Octobre 2013. 363 p. 23 €
Ecrivain(s): Kristopher Jansma Edition: Editions Jacqueline Chambon
Jansma signe là un roman captivant, drôle et d’une grande originalité. Sur le ton de la dérision – mais chaleureuse et réjouissante ce qui, par les temps qui courent, devient rare. On est averti dès avant le début du roman :
« Si vous pensez être l’auteur de ce livre, vous êtes prié de contacter Haslett & Grouse Publishers (New York, New York) dans les meilleurs délais. »
C’est que la question n’est pas exclue a priori : il se peut que l’un d’entre nous soit l’auteur de ce livre. Après tout. Les deux héros du livre – deux jeunes et brillants universitaires, sportifs et écrivains – jouent sans cesse avec la paternité littéraire, jusqu’à en faire un thème obsessionnel. Et Kristopher Jansma lui-même met cette question au centre de son roman. L’un écrit un livre universellement célébré. L’autre – par dilettantisme ou angoisse ? – perd tout ce qu’il écrit dans une sorte de fascination du vide. Alors il fera « carrière » de son amitié avec celui qui a réussi en littérature.
Toute la première moitié du livre nous fait partager les déambulations fulgurantes et drôles des deux amis. Trois en fait car il partagent l’amitié/L’amour d’Evelyn, une étincelante jeune femme, comédienne douée et impertinente. Jansma est explosif dans cette narration : traits d’esprit, situations cocasses, finesse des personnages, tout y est délicieux. Les deux garçons (dont le narrateur) sont obnubilés par la création littéraire et se livrent à des joutes réjouissantes. Le tout dans la cocasserie permanente :
« Le processus créatif de Julian consiste à se descendre trois bouteilles de vin dans l’après-midi, faire les cent pas dans l’appartement dans son vieux peignoir de l’hôtel zurichois Baur Au Lac et à fumer en se penchant dangereusement par la fenêtre, jusqu’à ce que survienne l’éclair de génie, ou le besoin de faire une sieste. »
Ce trio va éclater « dans le tourbillon de la vie ». Mais pas vraiment. Des liens aussi forts ne meurent jamais. D’une façon ou d’une autre le groupe va persister pour le meilleur et pour le pire. Entre le succès, le pouvoir et l’errance. Dans tous les cas le lien le plus fort entre les personnages est la littérature. Jansma nous offre une ode à la création littéraire. Un voyage au bord de la folie de l’écriture :
« On travaille en tandem. On communique par signes interposés : moi, en rouge, je biffe, j’entoure, j’ajoute des points d’exclamation et d’interrogation. Lui, en noir, insère, barre, refuse, approuve. »
Et le livre finit comme il avait commencé, par la perte. L’absence de livre. Image du destin de la littérature ?
Leon-Marc Levy
VL2
NB : Vous verrez souvent apparaître une cotation de Valeur Littéraire des livres critiqués. Il ne s’agit en aucun cas d’une notation de qualité ou d’intérêt du livre mais de l’évaluation de sa position au regard de l’histoire de la littérature.
Cette cotation est attribuée par le rédacteur / la rédactrice de la critique ou par le comité de rédaction.
Notre cotation :
VL1 : faible Valeur Littéraire
VL2 : modeste VL
VL3 : assez haute VL
VL4 : haute VL
VL5 : très haute VL
VL6 : Classiques éternels (anciens ou actuels)
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