La rage est mon énergie, John Lydon alias Johnny Rotten, Andrew Perry
La rage est mon énergie, John Lydon alias Johnny Rotten, octobre 2014, traduit de l’anglais Marie-Mathilde Burdeau et Marc Saint-Upéry, 711 pages, 25 €
Ecrivain(s): Andrew Perry Edition: Seuil
Voila encore quelqu’un qui aura fait noircir des pages et des pages (ici plus de 700) à des fins pécuniaires ou pour affirmer de façon livresque une notoriété qui serait plutôt mal en point, diront certains. N’en déplaise aux grincheux, cet homme-là, malgré quelques carences qui lui font admirer le foot comme un supporter inconditionnel, a de quoi surprendre quand on le découvre aux antipodes de ce qu’une certaine presse laissait bêtement supposer : qu’on se le dise, le chanteur des Sex Pistols, groupe punk des années 70, ne fut pas cette bête hurlante, ornée d’épingles à nourrice comme seuls attributs distinctifs, outre les fameux tee-shirts à l’effigie de la reine quelque peu « chopperisée ».
Qu’on se souvienne, donc. Musicalement, le rock et la pop s’enlisent, à la fin des seventies, dans des discours qui traînent en longueur, donnant des plages interminables à l’instar de groupes comme Yes, qui ont cependant commis quelques titres emblématiques. Mais la tendance du moment favorisait les démonstrations techniques au détriment d’une efficacité dont se réclamaient les groupes-phare de l’époque.
Et les gamins qui arrivent sur le marché, tant les amateurs que les musiciens, vont au nom d’une volonté quasi destructrice remuer tout ce fatras, voire le rejeter et lui tourner le dos dans le but avoué d’une défonce immédiate. Et les concerts vont être le théâtre de cette anarchie affichée dans les musiques, qui seront de moins en moins bavardes, et les spectateurs de plus en plus mobiles. Le pogo fait son apparition, qui est bien la traduction de cette attitude qui consiste à afficher un irrespect total des règles : on danse comme on veut, seul bien évidemment, on bouscule son voisin s’il le faut, et on sautille de sorte que le vide se fasse autour de soi. On voit bien avec ce pogo qui aurait été le fait de Sid Vicious, autre membre éminent du groupe, la volonté de tout foutre en l’air, jusque dans l’irrespect simulé du groupe qui joue sur scène.
C’est tout ceci qu’incarnent les Sex Pistols, et Johnny Rotten en particulier. On peut toujours considérer ce phénomène comme un épiphénomène, ou voir dans cette musique un pas de plus vers la simplification à outrance de la musique, il n’en reste pas moins que la musique punk correspond bien à un moment social important qui sonne le glas des Trente Glorieuses et qui annonce les temps difficiles à différents titres des sociétés occidentales, temps de crise sociale, sociétale et déséquilibre des rapports mondiaux.
Ce ne sont pas là les propos précis de John Lydon, puisqu’il raconte à Andrew Perry son parcours depuis que tout gamin il a appris à « torcher le cul de ses petits frères » jusqu’à la création de Pil, le groupe qu’il forme après les Sex Pistols. Johnny Rotten est un moment important de la contre-culture occidentale, une rage, pour reprendre le titre, de ne pas s’enliser, la conviction que le mouvement est toujours important et qu’il faille pour vivre se mouvoir et remettre en question ce dans quoi nous vivons. C’est tout cela que l’ex-chanteur des Sex Pistols nous redonne à vivre, lui qui à 11 ans trouvaitCrime et Châtiment pénétrant !
Guy Donikian
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