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La Question Au TNB (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera 15.05.24 dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Théâtre

La Question Au TNB (par Gilles Cervera)

 

Le livre deux fois censuré d’Henri Alleg est mis en scène au TNB (Théâtre National de Bretagne) du 3 au 6 avril 2024. La Question a bouleversé l’opinion et le texte ici mis à nu par Stanislas Nordey continue son œuvre au cœur brûlant du politique.

Relire Henri Alleg ou mieux, en ce moment, filer Salle Serreau au TNB. Au théâtre donc !

Le magnifique comédien Stanislas Nordey est mis en scène par Laurent Meininger.

Le texte est là, devant nous, brut, pur, clinique, incarné par le comédien sur un plateau nu, sur un fond de fils mouvants, vaguement immersif et sur un plateau vide, devenant par moment miroir.

Nordey est là, tel que le texte.

Nordey, un corps littéral qui débarque d’entre nous et se fond à la fin au noir, le nôtre. Magnifique. Effrayant. Nécessaire.

La Question est ce texte brut, pur, clinique qu’Henri Alleg a publié chez Minuit, en 1958 et qui sera à deux reprises censuré par l’Etat français. Alleg, directeur d’Alger Républicain, est ce journaliste engagé du côté de la décolonisation et, partant, des ennemis de la France.

Ce sont ces derniers qui le soumettent à la question.

Où as-tu été hébergé et par qui, la nuit qui a précédé ton arrestation ?

Quatre jours durant, quatre jours durs, quatre jours de torture, il dit plus souvent supplice, il dit cela dans la voix retenue de Stanislas Nordey, il dit cela au plus près du corps soulevé d’électricité, des testicules courbés d’arc, des fils nus sur sa poitrine, du bâillon de bouche et du robinet qui coule à l’étouffer, le noyer sous le regard hilare de paras fous.

Des hommes d’hier qui pourraient venir dans l’ombre d’aujourd’hui.

C’est pour cela que ce moment Alleg est indispensable. Cette Gestapo toujours prête à nier la République, ces gestapistes à l’époque partisans de l’Algérie française, aujourd’hui insidieusement enfouis sous un racisme d’atmosphère, une dette jamais remboursée, une haine à bas bruit qu’R-haine veut dire.

L’horreur vécue et dénoncée par Henri Alleg qui a survécu contrairement à son compagnon de déroute Maurice Audin, comment nos corps peuvent résister, cette horreur est aussi la question de ce livre, cette horreur vécue et dénoncée nous questionne ? Garderait-on le silence ? L’enjeu d’aujourd’hui dans l’Europe assoupie est-il une cause de dépassement ? Comment l’extrême droite qui n’a rien dépassé obère-t-elle le pouvoir critique de beaucoup, de plus en plus nombreux aux dernières nouvelles ? Quoi, qui, pour secouer les consciences ?

Alleg nous dit la possibilité que cela jamais ne soit terminé. Ces guerres civiles sont les pires. Elles nous séparent, elles nous sépareront.

Ses trois mois d’emprisonnement originent cet écrit d’Henri Alleg.

La salle Serreau était pleine mercredi. Elle va l’être le reste de la semaine.

Plaidons pour l’humaine humanité alors qu’au contraire l’humain est cet être sombre qui se nourrit de prédation, viole, torture, sadise et ça continue. Malgré le plaidoyer des justes. Dont celui d’Henri Alleg.

Qui, pour écrire et pour guérir ?

Qui, pour parler et apaiser ?

Il n’est sans doute pas né ou peut-être tète-t-il dans une maternité du monde, crie depuis Gaza dévastée, Kyïv terrorisée et les cent lieux d’en ce moment où la guerre entre hommes a lieu.

 

Gilles Cervera



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A propos du rédacteur

Gilles Cervera

 

Gilles Cervera vit entre Bretagne et Languedoc.

Instituteur, psychanalyste, auteur entre autres de

L’enfant du monde et Deux frères aux éd Vagamundo à Pont Aven.