La proie, Deon Meyer (par Jean-Jacques Bretou)
La proie, août 2021, trad. afrikaans, Georges Lory, 576 pages, 9,20 €
Ecrivain(s): Deon Meyer Edition: Folio (Gallimard)
À Bordeaux, Place Camille-Pelletan, Daniel Darret, un Zoulou, ancien combattant de la branche militaire de l’ANC, s’est retiré après la victoire de Mandela. Il mène une vie simple auprès d’Henry Lefèvre, ébéniste, atteint du syndrome d’Asperger, et de son épouse Sandrine. Son grand plaisir est de caresser le bois, d’en sentir l’âme. Il aime aussi parler à Wackett, le chat, ou discuter autour d’un verre de rouge avec Ali du Mali, ou bien encore faire un tour le dimanche dans les environs sur sa BMW. Tout va bien même s’il est hanté parfois par son passé, jusqu’au jour où il est contacté par Lonnie May, un ancien avocat blanc qui a lutté à ses côtés dans le clan anti-apartheid. Daniel doit reprendre du service, on a besoin d’un tireur d’élite exceptionnel pour commettre un attentat sur la personne du président en place. Lonnie lui parle de l’Afrique du Sud telle qu’elle est devenue après Mandela et la prise du pouvoir par Jacob Zuma (qui n’est pas cité mais facilement reconnaissable dans les descriptions de Meyer). Il lui conte les méfaits de la corruption, de la « kleptocratie », dans un pays rongé par la pauvreté, la volonté de la Russie de Poutine de mettre un pied en territoire africain en voulant y construire une centrale nucléaire.
Parallèlement au cap, Benny Griessel et Vaughn Cupido, deux policiers de la brigade des Hawks, enquêtent, sous la direction du colonel Mbali Kaleni, une femme, sur la mort d’un ancien des leurs, reconverti dans le privé, Johnson Johnson (dit JJ), balancé par la fenêtre d’un wagon du train le plus luxueux du monde, le Rovos. On tente par tous les moyens de les empêcher de résoudre le mystère de ce crime.
Le livre est construit à partir de deux branches narratives qui alternent, l’une à Bordeaux, Paris, Amsterdam, l’autre en Afrique du sud. Au fur et à mesure que l’on avance dans l’histoire, les chapitres se raccourcissent et l’on prend de la vitesse. Le récit est de plus en plus haletant jusqu’à atteindre sa célérité maximum au moment où nos deux branches se rejoignent pour n’en faire plus qu’une seule. C’est un véritable travail de virtuose.
Au cours de ces allées et venues entre l’Europe et l’Afrique du Sud, on apprend beaucoup sur les différents protagonistes de l’histoire, leur vie intime, les lieux qu’ils fréquentent, ce qui leur donne épaisseur et humanité et baigne l’histoire dans un exotisme inhabituel dont le rôle est essentiel. Ceux sont, entre autres, ces choses, et une écriture simple, maîtrisée, particulièrement bien traduite par G. Lory, qui donnent toute sa force au roman de Deon Meyer.
Jean-Jacques Bretou
Né en 1958 à Paarl, en Afrique du Sud, Deon Meyer est l’un des dix auteurs de polars préférés des Français. Il a écrit douze best-sellers traduits dans trente pays. Il a été journaliste et rédacteur publicitaire avant de se lancer dans le polar, juste après la fin de l’apartheid. Il vit à Stellenbosch, région viticole des environs du Cap.
- Vu : 1615