La poésie du quotidien Alziati – Sanguineti – Vegliante (par Valérie T. Bravaccio)
Qu’entendons-nous par « poésie du quotidien » ? Un dossier spécial qui vient de paraître dans la Revue Recours au Poème se penche également sur la question en sollicitant des poètes (1). Ici, il s’agit plutôt de réfléchir sur l’expression communicative la plus exigeante, la poésie, car elle nous donne à lire, à voir le quotidien, la vie de tous les jours. Observée d’abord, puis construite, après coup, dans un espace-temps, celui de la page avec de l’encre imprimée. Ou bien, à l’inverse, est-ce dans la construction (la poésie) que vivent des instants du quotidien. Mais ne risque-t-elle pas de se transformer en boîte à souvenirs ? Car souvent, les compositions sont datées comme on le ferait dans un journal intime. Elles témoignent alors d’une condition historique dans laquelle la personne qui écrit se trouve (2). Plus discrètement, voire secrètement, l’introduction d’une autre langue peut également suffire à identifier un lieu et un moment particuliers (3). Enfin, plus rarement, le sommaire du recueil ne comporte pas de titre mais uniquement des dates (4). Une attention minutieuse au temps, qui (très banalement), n’existera pas une deuxième fois. Arc temporel tendu entre le moment où l’on naît, et à partir duquel on est déjà assez vieux pour mourir, comme disent les philosophes ; et pendant lequel on écrit sans savoir à quel moment on va mourir.
Ce qui fait le quotidien de la personne qui écrit de la poésie, c’est, bien évidemment, l’acte de l’écriture. Cristina Alziati (5), Edoardo Sanguineti (6) et Jean-Charles Vegliante (7) transmettent ce quotidien-là au lecteur. Celui-ci l’imagine en train d’écrire avec sa machine à écrire (ici, à l’ancienne) :
(j’écris […] boules de lampes torche mais le ‘b’ est abimé) (8),
ou bien en train de corriger le correcteur automatique de son ordinateur :
Cher correcteur-automatique \ d’orthographe
(CADO) pourriez-vous relâcher un instant
la terrible vigilance \ qu’ont à souffrir
mes particules \ le temps que je m’attribue,
sans vouloir dire moi, le banal MOI
possessif, ou l’article DEI […] (9),
ou encore s’attabler :
« et travailler à ses vers, / travailler à ses fragments » (10)
Tout écrivain pense au moins à un destinataire, celui que l’on nomme « le lecteur idéal ». Et comme disait le poète français Stéphane Mallarmé, un seul suffit. Mais lorsque l’on a la chance de connaître des personnes qui écrivent, de les rencontrer, de partager avec elles des expériences de lecture, on ne lit pas de la même façon leurs compositions. C’est la raison pour laquelle, souvent, les dédicaces témoignent de cet échange intellectuel : simples initiales, discrètes, entre parenthèses, ou bien nom écrit en toutes lettres comme un paratexte, voire formant un acrostiche (11).
La particularité de Edoardo Sanguineti, c’est la dédicace de façon constante à une personne de son vivant. Jean-Charles Vegliante le fait aussi, bien entendu, mais il se souvient aussi souvent de disparus. Par exemple, probablement d’un proche « (In memoriam R. Bouhéret) » (12) ou d’un poète italien qu’il a bien connu « (souvenir de G. Raboni, dix ans après) » (13). Cristina Alziati dédicace sa composition « Traces III » à Rosa Luxembourg, un nom qui dépasse forcément la sphère intime (14).
Car la poésie ne se limite pas uniquement à la sphère intime du quotidien de la personne qui écrit. Celle-ci lit aussi, beaucoup, d’autres personnes qui écrivent encore ou qui ont écrit, auparavant. Son quotidien est fait de lectures d’œuvres contemporaines et anciennes, c’est-à-dire de « rencontres » avec la pensée et la forme d’écrivains d’hier et d’aujourd’hui. Le livre ancien est toutefois comparable à l’urne funéraire dans laquelle survit la pensée de son auteur. Il traverse le temps, les siècles, rendant parfois immortelle cette pensée. Ici, rien de funeste, chez les trois écrivains : c’est plutôt le paradoxe qui intrigue le lecteur ou la lectrice, car la poésie dit ce qu’elle ne fait pas, provoquant un sourire lors de la lecture.
Edoardo Sanguineti s’amuse à comparer la poésie avec une recette de cuisine, laquelle est contenue dans un livre de recettes que l’on se transmet, généralement, de générations en générations (15). Cette composition est effectivement paradoxale lorsqu’on la lit : elle n’a apparemment aucun des « signes adéquats socialisés » de la poésie, la structure ne renvoie à aucune forme close (comme celle du sonnet par exemple), les vers sont très longs, leurs décrochements sont inhabituels. Comment faire par exemple pour apprendre par cœur, de façon traditionnelle, cette poésie privée des « à la ligne », des allitérations, des habituelles métaphores ? C’est tout simplement impossible, même en italien (16).
Cristina Alziati s’inscrit aussi dans cette distance entre l’action d’écrire et ce que dit la poésie (17). Lorsqu’on lit qu’elle [poète] est « faite à l’inverse / de ce non écrire jour après jour », on comprend bien le paradoxe car « ce non écrire jour après jour » est écrit.
La dimension paradoxale n’échappe pas non plus à l’écriture de Jean-Charles Vegliante, dès l’ouverture de la section intitulée Sonnets pour ne pas pleurer (18). La disposition typographique de cette composition se situe justement à « mi-page » tandis que l’auteur s’adresse à son destinataire en lui proposant un choix impossible à réaliser (« si vous voulez ») et introduit l’élément de comparaison (« comme pour un poème »), qui laisse entendre que cette composition ne serait pas – ou pas uniquement – un poème (19).
Bien entendu, la dimension ludique, voire ironique, est centrale. Mais les trois personnes qui écrivent n’ont pas du tout l’intention de se moquer du lectorat. Il est donc légitime de se demander d’où provient cette dimension si particulière dans le panorama de la littérature récente. Le clin d’œil intellectuel, c’est-à-dire la complicité entre l’auteur et le lecteur, remonte à la période du XVII° siècle, particulièrement en Italie, avec des écrivains dits « baroques ». Cet appellatif, devenu, au fil du temps, très péjoratif, pourrait faire fuir n’importe quel lecteur. Mais si l’on se souvient que les poètes de cette période employaient justement des objets bien précis dans leurs compositions, comme l’horloge ou la clepsydre pour symboliser le temps qui passe inexorablement et que l’on ne peut arrêter, tel le mouvement de l’eau dans les fontaines, on s’aperçoit que le « quotidien » était déjà au centre de leur compositions poétiques (principalement dans la forme du sonnet) et s’exprimait surtout par la métaphore linguistique, autrement dit, la métamorphose référentielle (20).
À la fin du XIX° siècle, Charles Baudelaire (dont nous célébrons cette année le bicentenaire de sa naissance) a revitalisé cette technique scripturale en dépassant, justement, la métamorphose référentielle, linguistique, par d’autres moyens techniques qui se concentrent surtout sur le langage. Désormais, c’est le texte lui-même qui se métamorphose en deux grands types de langages, la prose et la poésie. Charles Baudelaire est le pionnier de la parodie conjointe des deux langages dominants (21). Dans sa lignée, Edoardo Sanguineti et Jean-Charles Vegliante revitalisent à leur tour, et à leur façon, cette technique scripturale. Edoardo Sanguineti construit une prose qui imite la poésie par la mise en place de mots rappelant des schémas rimiques, comme le faisait Charles Baudelaire. Edoardo Sanguineti importe donc en Italie la technique baudelairienne (22). On la retrouve également dans la production de Jean-Charles Vegliante, notamment dans sa composition intitulée Prose (sonnet). D’emblée, le titre introduit la dimension parodique des deux grands langages. La lecture linéaire de cette composition en prose donne à voir une Vanité baroque, c’est-à-dire un mouvement temporel de vie et de mort, illustré par des fleurs (un coucou, un hibiscus rouge) qui se fanent, des couleurs qui passent, des saisons (entre le printemps et l’automne) (23). Toutefois, cette vanité en prose ne s’évanouit pas car elle est revitalisée par un schéma rimique possible. La prose est effectivement construite en imitant (non typographiquement) le sonnet, car les trois premières phrases correspondent aux deux quatrains. Et la quatrième phrase, aux deux tercets du sonnet dans lesquels apparaissent deux mots fondamentaux : le mot « maîtresse » et le mot « qui » parce qu’ils introduisent une dimension traductive entre le français et l’italien. L’incise entre tirets (– on ne sait pourquoi ni à qui –) met en évidence le mot « qui » homographe entre le français et l’italien et phoniquement différent : [ki] en français et [kwi] en italien. Son référent est également différent entre les deux langues : en italien, c’est un démonstratif, correspondant en français à « ici ». Ces tirets, semblables à des parenthèses, créent un lien direct avec la composition du titre Prose (sonnet). Au cœur de la prose, il y a un sonnet typographiquement identifiable mais qui n’appartient ni à la tradition de l’une ni de l’autre culture. Le mot « maîtresse » n’a donc rien à voir, ici, avec la maîtresse de l’école élémentaire car il correspond en italien au mot « maestra » qui désigne un procédé typographique, incitant à réorganiser la composition en repérant des schémas rimiques sous-jacents (24). La dimension traductive, ici entre le français et l’italien, introduit une technicité scripturale nouvelle, qui fait évoluer la métamorphose référentielle linguistiquement « traditionnelle » vers une dimension seconde, moins apparente, inaugurée par Baudelaire.
La poésie du quotidien n’est donc pas une boîte à souvenirs. La poésie du quotidien tend vers le futur, elle cherche à avoir toujours une longueur d’avance pour proposer de nouvelles techniques scripturales, afin de créer un partage constant et une complicité permanente entre l’auteur et le lecteur. Dans cette perspective, la poésie du quotidien répond à « une quête de précaire assurance contre le néant et la mort (ou l’aride abstraction intellectuelle) » (25). Elle essaie d’échapper à l’abstraction du signe. Comme toute vraie littérature, en somme.
Valérie T. Bravaccio
(1) https://www.recoursaupoeme.fr/actualites/edito-sommaire-du-numero-208/
(2) C’est un fait assez répandu chez la plupart des poètes. Pensons, par exemple, à Giuseppe Ungaretti qui écrit ses poèmes de L’Allegria pendant la période de la première guerre mondiale : ses poésies sont soigneusement datées et localisées. Même son très célèbre poème intitulé Mattina (M’illumino / d’immenso) qui semble intemporel, comporte une indication géographique précise et une date : Santa Maria La Longa il 26 gennaio 1917.
(3) Cette technique est employée par Cristina Alziati. Par exemple, dans son livre intitulé Come non piangenti (Marcos y Marcos, 2011), p.89, elle est à l’hôpital, probablement au chevet d’une petite leucémique qui s’exprime en espagnol et dont les phrases (citation de Cardenal) sont reconnaissables grâce aux italiques : (Me gustan los poemas, ha scritto in ospedale,/ y me gusta la vida.).
(4) Voir les sommaires des recueils de Edoardo Sanguineti, à partir de Laborintus (Magenta, Varese,1956), qui ne comportent que des dates de composition.
(5) Cristina Alziati, Milanaise née en 1963, vit en Allemagne, traduit, écrit des articles militants pour des publications italiennes, collabore au Centre Franco Fortini de Sienne, est présente dans plusieurs revues papier et en ligne. Elle a publié A compimento (Manni 2005, prix Pasolini 2006), et Come non piangenti (Marcos y Marcos, 2011).
(6) Edoardo Sanguineti, Gênois, né le 9 décembre 1930 et décédé le 18 mai 2010. Ses poésies sont regroupées en deux gros volumes chez l’éditeur milanais Feltrinelli : Segnalibro, 1982 et Il Gatto Lupesco, 2002. Biographie complète : https://it.wikipedia.org/wiki/Edoardo_Sanguineti
(7) Jean-Charles Vegliante, né à Rome en 1947, est poète & traducteur. Biographie complète : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Charles_Vegliante
(8) Edoardo Sanguineti, (T.A.T. 6) in T.A.T., Verona, Renzo Sommaruga, 1968.
(9) Jean-Charles Vegliante, SUPPLIQUE PAO, in Où nul ne veut se tenir, La Lettre volée, 2016.
(10) Cristina Alziati, L’Angelo smemorato, in Come non piangenti, Marcos y Marcos, 2011.
(11) E.S., in Il Gatto Lupesco, Feltrinelli, 2000, p.412, l’acrostiche forme le nom de son ami musicien Enrico Baj.
(12) J.C.V., in Sonnets du petits pays entraîné vers le nord…, L’Atelier du grand tétras, 2019, p.24.
(13) J.C.V. in Où nul ne veut se tenir, La Lettre volée, 2016, p.43. Giovanni Raboni a traduit des poèmes de Vegliante en italien dans une anthologie bilingue intitulée, Nel lutto della luce, Einaudi, 2004.
(14) C.A., in Come non piangenti, Marcos y Marcos, 2011.
(15) Edoardo Sanguineti, Postkarten (Feltrinelli, Milano, 1978), n°49, traduction en français par Vincent Barras, dans la très belle et très soignée publication bilingue aux éditions L’Âge d’Homme, 1985, pp.102-103 : « pour préparer une poésie, on prend ‘un petit fait vrai’ (si possible / frais du jour) : il y a une recette semblable chez Stendhal, je sais, mais enfin, / elle a une saveur très différente : (et je devrais perdre une heure au moins, maintenant, / ici, pour chercher les citations opportunes : et franchement, je n’en ai pas envie) : \ il faut soigner / espace et temps : une date précise, un lieu scrupuleusement défini, tels sont les ingrédients / les plus souhaitables, dans ce cas : (item pour les personnages, à désigner en respectant l’état-civil : / à identifier grâce à des traits objectivement reconnaissables) : \ j’ai cité le nom / de Stendhal : mais, pour le style, pas de code civil, aujourd’hui (et pas de Napoléon, donc, / bien sûr) : (on peut penser, plutôt, au Gramsci des Cahiers, et des Lettres, mais / assaisonné d’une sauce un peu piquante : de celles qu’on trouve, si on veut, là dans la cuisine, / chez le jeune Marx) : et nous aurons un mets savoureusement comestible, une spécialité / vérifiable : (vérifiable, dis-je, au sens que le mot peut avoir chez Brecht, il me semble, / dans certaines notes de l’Arbeitsjournal) : (et quant au V-Effekt, dont on a besoin, on l’obtient / avec des moyens très modestes) : (comme ici, justement, avec une pincée d’Artusi et de Carmacina) : \ et / je conclus que la poésie consiste, en somme, en cette sorte de travail : mettre des mots comme en italique, et entre guillemets : et s’efforcer de les rendre mémorables, comme autant de répliques subtiles / et brèves : (qui s’impriment dans la tête, ainsi, avec une quelconque garniture de signes adéquats / socialisés) : (comme les à la ligne, les allitérations, et, disons, les métaphores comme d’habitude) : / (qui signifient, ensuite, dans l’ensemble : \ sois attentif, ô toi qui lis, et apprends par cœur) ».
(16) Depuis 1951, Edoardo Sanguineti structure ainsi ses compositions.
(17) Traduction en français de Jean-Charles Vegliante et du Groupe CIRCE, in Siècle 21, n°28, 2014, p.38 http://circe.univ-paris3.fr/Poesie_italienne_d%27aujourd%27hui.pdf « Or, tu crois qu’il suffirait d’un rien, / s’asseoir à une table libre / au moment propice, et travailler à ses vers, / travailler à ses fragments. Moi, je suis faite à l’inverse / de ce non écrire jour après jour ; / dans la sédimentation des petites / choses, et des grandes, je suis / l’âme occupée de leur devenir muettes », Cristina Alziati, in Come non piangenti, Marcos y Marcos, 2011, p.49.
(18) J.C.V. in Où nul ne veut se tenir, La Lettre volée, 2016, p.67 : « On peut commencer par là si vous voulez, / à mi-page comme pour un poème / qui va et qui vient dans le temps du sommeil / compté pourtant et sachant décevoir./ […] ».
(19) La citation de Etta James en anglais typographiquement identifiable à droite de la composition « Don’t cry baby, / You know I didn’t mean » a une connotation ironique (Ne pleure pas baby, / Tu sais bien que ce n’est pas ce que je voulais dire).
(20) La métaphore référentielle baroque est toujours d’actualité sous la plume de Cristina Alziati qui revitalise le mouvement de l’eau. Ici, c’est l’eau de la pluie qui s’abat sur les toits, les nuques, des personnes vivantes réduites en cendres par des éclairs, dans sa poésie intitulée En rêve, tirée de son recueil intitulé A compimento (Manni, 2005) : « d'une fenêtre de la Chaussee Strasse, Berlin, siècle dernier // Regarde, c'est la pluie / elle bat le goudron gras sur les toits, / l'éclat glissant du pavé, / gonfle les lents filets d'eau sale / giclant des nuques au pas / qui bat, des amphibies – / Ne crains rien ma petite ma douce, / c'est l'éclair, il fracasse dans le talon / qui bat la terre, des troupes. / Il réduit en cendres le pas » (Trad. cit., voir note 16).
(21) Qu’il me soit permis de renvoyer à ma contribution dans l’ouvrage collectif de J.C.V. intitulé De la prose au cœur de la poésie, PSN, 2007, « L’arabesque des éléments construisant la répétition entre Les Fleurs du Mal et le Spleen de Paris de Charles Baudelaire », pp.17-34.
(22) Qu’il me soit permis de renvoyer à mon analyse d’une case-récit tirée de Il Giuoco dell’oca in http://chroniquesitaliennes.univ-paris3.fr/PDF/Web8/Valerie-Thevenon.pdf page 3.
(23) « Il y a toujours un moment où le coucou exubère, hausse ses trilobes et ose plusieurs fleurs. Puis il retombe et jaunit dès que le temps se libère de l’humide printemps, chauffe les rebords, dissout les couleurs. C’est alors un foin pâle qui prend la place où triomphaient les tiges dressées comme des cous, où la jardinière débondait ses audaces, fière de ce tapis vert épais et gras aux genoux. Au-dessus l’hibiscus rouge reprend son empire et lance vers le ciel ses trompettes vibrantes, seul enfin pour complaire à la maîtresse et rebruire dans la brise qui souffle là, brûlante, et semble faire signe parfois contre les vitres – on ne sait pourquoi ni à qui – dans la solitude aride de l’amiante » J.C.V. in https://revuecatastrophes.wordpress.com/2019/03/26/course-folle-confiee-aux-aleas-2-4/
(24) Ainsi :
Il y a toujours un moment où le coucou exubère,
hausse ses trilobes et ose plusieurs fleurs.
Puis il retombe et jaunit dès que le temps se libère
de l’humide printemps, chauffe les rebords, dissout les couleurs
C’est alors un foin pâle qui prend la place
où triomphaient les tiges dressées comme des cous,
où la jardinière débondait ses audaces,
fière de ce tapis vert épais et gras aux genoux.
Au-dessus l’hibiscus rouge reprend son empire
et lance vers le ciel ses trompettes vibrantes,
seul enfin pour complaire à la maîtresse et rebruire
dans la brise qui souffle là, brûlante,
et semble faire signe parfois contre les vitres
– on ne sait pourquoi ni à qui – dans la solitude aride de l’amiante.
Les syntagmes aux rimes croisées (ABAB) en [ère] et en [eur] dans le premier quatrain et en [ace] et en [ou] dans le deuxième quatrain ne présentent aucune faille dans leur construction rimique. Ce qui n’est pas le cas pour le schéma rimique (ABA) des deux tercets, où les variations phoniques en [en] (vibrantes / brûlante / amiante) sont interrompues par des syntagmes moins strictement rimés entre eux (empire, rebruire, vitres), rappelant la prose.
(25) J.C.V, Un réalisme habité, in http://circe.univ-paris3.fr/Un_realisme_habite.pdf.
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