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La Petite dame, Valérie Rouzeau (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera 08.04.25 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, La Table Ronde

La Petite dame, Valérie Rouzeau, éditions La Table Ronde, mars 2025, 95 pages, 15 €

Ecrivain(s): Valérie Rouzeau Edition: La Table Ronde

La Petite dame, Valérie Rouzeau (par Gilles Cervera)

 

Grande dame en poésie/Grand ramdam aussi

Lire la poésie et pas qu’une saison par an ! Et vive le printemps quand même !

Lire un poème c’est honorer cette liberté des mots vifs, suspendus, des âpretés en strophes, des souffles longs ou au contraire des rythmes percutés, sauvages, sans costarcravat’. La poésie est à la littérature ce que le jazz est aux sons.

Ce que la misuk est à la musique !

Je lis La Petite dame de Valérie Rouzeau.

Je lis tout Valérie Rouzeau.

Lire un poète, une poétresse, comme elle dit force à dire je. Comment se défausser face au poème ? Comment ne pas dire de soi lorsque le poème dit d’elle ?

Le poème découvre le poète et celui qui le lit ressort à découvert, chevreuil sautant entre jachères et brandes, exactement le lecteur. Le poème débusque et le poète, la poétesse, la poéteuse ou tresse ou trice est Diane sans arc ni flèche, mais stylo à billes, carnet de molesquine ou papiers collés (Salut Georges !).

Ou clavier ! Ou encre et plume (salut mésanges, roitelets, corbeaux croates).

Lire La Petite dame s’impose. Sans prescription médicale. C’est vif, c’est drôle, babil habile jamais labile. C’est plein de vie et sans beaucoup de mots. C’est de l’âme à vif, souvent souffrancielle, toujours doulheureuse.

Valérie Rouzeau écrit, et sans doute tous les poètes, page blanche, peu de mots au-dedans, leur biographie. Elle, plus que d’autres.

Poèmes courts sur page offerte. Pylône sur plaine, arbre dans désert, herbe sur sable. Oyez les oyats !

Guillevic invoquait pour décrire son rythme lapidaire (tellurique) son souffle court, au sens propre ses difficultés respiratoires. Valérie Rouzeau a ce respire économe aussi, ici, dans La Petite dame. LA petite dame : elles !

Ce découplage d’elle, ce dédoublement, ces errances entre soi, elle qui fait le guet entre.

On dirait de l’art brut avec des mots de bleu, de violet, de violence violacée et multidolores.

On dirait Valérie qui parle de Rouzeau, et Rouzeau de la petite dame :

 

La petite dame n’existe pas

Sauf au PMU à La Civette là où

On ne connaît pas Valérie

Madame Rouzeau à la limite

À la pharmacie

Mais c’est sa mère c’est déjà pris

 

S’appeler Rouzeau est fragile, comme le chêne qui regarde de haut ployer les roses d’eau. S’appeler Rouzeau devrait remplir Valérie mais lui reste cette conscience d’imposture, ce nom d’usurpation qui la fait advenir sans vieillir avec de l’âge cependant au manque : il lui manque une dent une dent qui coûte un bras/// Mais sinon elle a toute sa tête.

Valérie Rouzeau est une poétresse qui se glisse dans l’histoire longue, subtile et sublime de la poésie : James Sacré, donc une histoire sacrée, les Jules (les siens) Vallès, Laforgue ou Renard, et Anna Akhmatova lui va et à nous aussi, et bien sûr Albertine Sarrazin, avec sa rime en Yves Martin.

Tous ces poètes la constituent et elle sort du lot ses mots, les monte en haut bien qu’arrimés aux médocs, aux courses à faire et autres pompes préférées à chausser :

 

La petite dame aux fibromes plantaires

Pourrait porter d’orthopédiques shoes de mémère

Au lieu des doc martens que Valérie préfère

On ne sait plus parfois sur quel pied

Tanguer

 

Valérie Rouzeau tangue. Le sort des vivants qui vivent plus et pleinement. Des poètes encore plus. Plus à vif, plus à sang, plus à plus. Souffrance et beauté des mots.

Tanguer est divaguer, danser, être saoule, ivre comme un bateau. Poésie vitale, puissante, drolatique, s’ensuive.

 

Sortie pour prendre l’air

Elle rentre ayant pris l’eau

Soupir prière Soupière

Voici venir l’hiver

 

On ne devrait pas le dire en conclusion mais on aimerait dénoncer de ces instituteurs-trices publiques qui trouvent des poèmes nuls à faire apprendre à leurs élèves de CM1 dans le seul but de les dégoûter de la poésie à vie dans un joli village nommable en Sologne, nous ne le ferons pas par indulgence confrérale. Nous voudrions leur proposer de piocher dans l’œuvre de la voisine, aller chercher tout près au lieu des rimaisons cons, pensez donc à Valérie Rouzeau. Prévertienne d’aujourd’hui, rimant dame et drame, poésie et vie !

 

Après l’hiver persévérance

La fleur perce et révérence

 

Gilles Cervera



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A propos de l'écrivain

Valérie Rouzeau

Valérie Rouzeau, née à Cosne-sur-Loire, le 22 août 1967, dans une famille de récupérateurs du Cher, est une poétesse française. Elle a aussi traduit Sylvia Plath et William Carlos Williams.

Après diverses publications dans des revues, ses deux premiers recueils édités ont été très remarqués (Pas revoir en 1999 et Neige rien en 2000).

Elle n'exerce aucune activité salariée et tâche de « vivre en poésie » via la traduction, les lectures publiques, les ateliers dans les classes, etc.

Valérie Rouzeau a aussi écrit des paroles pour le groupe Indochine avec les chansons: "Comateen 2" , "Ladyboy" et "Talulla"

 

(Source Wikipédia)

A propos du rédacteur

Gilles Cervera

 

Gilles Cervera vit entre Bretagne et Languedoc.

Instituteur, psychanalyste,

Auteur de :

L'enfant du monde et Deux frères aux éditions Vagamundo

Les Mourettes et Pension(s) aux éditions Un ange passe