La part des nuages, Thomas Vinau
La part des nuages, 21 août 2014, 16 €
Ecrivain(s): Thomas Vinau Edition: Alma Editeur
« La peur et la joie. Pile ou face. On vit toute une vie avec ça. La peur ou la joie. Etre une pièce. On tombe d’un côté ou de l’autre. On choisit, plus ou moins, de quel côté on tombe. La joie est le dos de la peur. Quand l’une s’éloigne, on distingue le sourire sur le visage de l’autre. On est les deux ».
Fantaisie de la littérature, apparition (ϕανταὓία) de l’art, ainsi naissent les romans et les poèmes de Thomas Vinau. Ecrivain du réel pris sous les éclats éblouissants de l’imaginaire, comme ces petites pièces que l’on fait tourner dans sa main, et qui une fois lancées à bonne hauteur, retombent et font jaillir en touchant le sol, des dizaines d’éclats romanesques, des aventures microscopiques. La part des nuages est l’apparition de Joseph et Noé, le père et le fils. Le détachement et la fuite dans les branches comme une fantaisie que le narrateur prend à la lettre : voici un cerisier, j’en fais ma cabane, une arche, comme Noé ses châteaux de sable. Fantaisie de la fiction, apparition d’une tortue vagabonde, d’une flutiste appliquée, d’un clochard qui chatouille de son rire les orteils du céleste, Altocumulus de tristesse, voyage au bout de la nuit nuageuse accompagné d’écrivains boussoles.
« Le sommeil est une mer paisible qui lui lèche les pieds. Sac et ressac de la fatigue. Langue chaude des songes. Disparition touffue. Depuis l’arrivée de l’enfant, les siestes paresseuses sont un lointain souvenir. Depuis le départ de la femme, les siestes crapuleuses n’existent plus. A un moment il a pensé distinctement qu’il était sur le point de couler. Puis il s’est laissé faire. Avec délectation ».
Fantaisie de La part des nuages, roman voyageur autour d’un arbre, les yeux dans les nuages, le cœur en jachère, dans la délectation d’un temps ancien retrouvé. Il célèbre à chaque page la jubilation de la précision de son style. Thomas Vinau est un orfèvre de l’association de mots, il sait la force et la souplesse de leur union, et le déchirement de leur opposition. C’est un paratonnerre qui avale ses aspirations, ses inspirations et toutes les énergies de nature. Un rien le fait sourire, un rien le fait trembler, comme la feuille d’un cerisier, ou l’aide d’un papillon de nuit. Fantaisie de l’attention à ce que vit et voit Joseph sur son arche et sous les Stratus.
« On voit le halo, épais, fumeux qui émerge de la terre, des forêts sombres, des arbres qui respirent, et de l’eau plate et noire. C’est une armée de brume, nourrie de chaque souffle de bête, qui grimpe à l’assaut du jour. Alors c’est ça l’histoire ? C’est là-dessous, au fond de nos bas-fonds, que naissent les nuages ? Et ils s’échappent dans le ciel avec la corde du jour. Ils se dispersent avec nos rêves et s’enfuient derrière la lumière. Ils viennent d’en bas. Ils viennent de nous ».
Apparition de la littérature, et fantaisie du style. Thomas Vinau a la grâce joyeuse d’un géographe, il dessine à main levée la carte de séjour sur la terre et au ciel de Joseph, une carte du détachement qui tel un Cirrus s’ouvre et se déploie en boucle littéraire.
Philippe Chauché
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