La note américaine, David Grann
La note américaine, mars 2018, trad. américain, Cyril Gay 324 pages, 22 €
Ecrivain(s): David Grann Edition: Globe
David Grann persiste, à notre grand bonheur, à réveiller des affaires anciennes, à nous les raconter dans son style simple et fluide, à les autopsier enfin avec minutie. Ce n’est ici ni une fiction, ni une de ces exofictions qui la ramènent avec du fictionnel plaqué sur la réalité historique. Il s’agit d’une enquête d’investigation menée tambour battant, sur un fait divers incroyable survenu en Oklahoma.
Nous sommes dans les années vingt. Si les réserves indiennes d’Amérique végètent dans la quasi misère, celle des Osages, au bout de l’Oklahoma, connaît une prospérité ahurissante. On a trouvé des nappes extraordinaires de pétrole dans les territoires dont ils sont propriétaires et voilà nos Indiens milliardaires, ce qui donne lieu à une incroyable – et souvent cocasse – transformation du paysage traditionnel.
« Gray Horse était l’une des plus anciennes réserves amérindiennes. Ces avant-postes – dont Fairfax, qui ressemblait à une bourgade, avec une population de six mille âmes – avaient des allures de mirages. Les rues grouillaient de cow-boys, de chercheurs d’or, de contrebandiers, de voyants, de guérisseurs, de bandits, de marshals, d’hommes d’affaires venus de New York et de magnats du pétrole. Des automobiles roulaient en trombe sur des sentiers tracés par le passage des chevaux et l’odeur du carburant l’emportait sur le parfum de la prairie. Des rangées de corbeaux observaient ce manège de haut, depuis les lignes téléphoniques. On y trouvait des cafés, des salles d’opéra et des terrains de polo ».
Bouleversement visuel mais aussi bouleversement culturel. Le choc des traditions ancestrales provoque des scènes parfois drôles (ces Indiens en voiture de luxe avec chauffeur, bagues de diamant, maisons somptuaires calquées sur les maisons de maîtres du Sud, mais avec leurs plumes dans les cheveux et leur peau de bête sur le dos), parfois profondément tristes, comme au moment d’un enterrement :
« Au cimetière, seuls Ernest et Mollie purent entendre le chant funèbre des anciens, interrompu par les pleurs. Oda Brown, l’ex-mari d’Anna, était tellement bouleversé qu’il s’était éloigné pour cacher sa peine. A midi pile – alors que le soleil, la plus grande expression des Vastes Mystères, était au zénith – des hommes descendirent le cercueil dans la fosse ».
David Grann nous raconte alors une histoire à peine croyable, et pourtant strictement vraie. Des meurtres, en série, d’une cruauté effarante, viennent endeuiller la communauté Osage. Mollie semble être le centre familial de cette hécatombe : sœurs, amis, cousins tombent comme grêle. La terreur s’installe chez les Osages.
« Les meurtres créèrent un climat de terreur qui rongea la communauté. Les gens soupçonnaient leurs voisins, leurs amis. La veuve de Charles Whitehorn était certaine que ceux qui s’en étaient pris à son mari allaient “l’emporter”. Un visiteur de passage à Fairfax se rappellerait que les gens étaient accablés par une “peur paralysante”, et un journaliste fit observer qu’un “sombre manteau de mystère et d’effroi recouvrait les vallées osages, éclaboussées de pétrole” ».
Dans cette atmosphère, Washington décide une enquête fédérale. Un groupe de fonctionnaires voit le jour pour cette circonstance, le B.O.I. (Bureau Of Investigations), noyau initial de ce qui deviendra vite le FBI. Son concepteur ? Un jeune homme d’à peine trente ans, décidé et ambitieux : J. Edgar Hoover ! Il dépêche sur le terrain un homme qui va s’avérer un enquêteur hors pair, intelligent, courageux et intègre jusqu’à l’obsession : Tom White. Il va s’entourer d’une équipe sûre et plonger au cœur du mystère. L’histoire du FBI a commencé !
David Grann nous emmène alors – jusqu’à son terme éberluant – dans une des affaires policières les plus incroyables de l’histoire. Nul ne peut, pas même la pauvre Mollie pourtant au cœur du tourbillon, imaginer la vérité. Il lui faudra le faisceau incontestable des preuves pour se résoudre à accepter l’issue. Le récit est parsemé de photos d’époque, en noir et blanc bien sûr, qui nous ponctuent la lecture et nous présentent personnages et décors réels de l’affaire.
Rien de plus, bien sûr, ne vous sera dit ici. Sauf l’efficacité du récit de David Grann qui, dans un style dépouillé et simple, très reportage, nous tient en haleine de bout en bout, incrédules au fur et à mesure que le mystère se lève. Livre passionnant et terrible.
Léon-Marc Levy
VL3
NB : Vous verrez souvent apparaître une cotation de Valeur Littéraire des livres critiqués. Il ne s’agit en aucun cas d’une notation de qualité ou d’intérêt du livre mais de l’évaluation de sa position au regard de l’histoire de la littérature.
Cette cotation est attribuée par le rédacteur / la rédactrice de la critique ou par le comité de rédaction.
Notre cotation :
VL1 : faible Valeur Littéraire
VL2 : modeste VL
VL3 : assez haute VL
VL4 : haute VL
VL5 : très haute VL
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