La milice française, Michèle Cointet
La milice française, août 2013, 341 pages, 23 €
Ecrivain(s): Michèle Cointet Edition: Fayard
Les Français ont eu, longtemps, du mal à regarder en face l’histoire de l’Occupation, du régime de Vichy, considérés comme des révélateurs désagréables de certains pans de l’histoire de France, de l’existence de courants d’idées contraires à nos valeurs républicaines. Michèle Cointet, historienne spécialisée dans l’histoire de la Collaboration, de la Résistance, et du gaullisme, énonce dans son livre La Milice française un terrible constat : la Milice, par ses crimes et ses exactions, s’est hissée au même niveau de barbarie que les SS, confirmant ainsi le caractère décisif, et douloureux, d’un réexamen de cette période de l’Histoire de notre pays, dramatique à plus d’un titre.
Ce qui frappe, dès les premiers paragraphes, c’est le malentendu originel sur lequel est fondée la création de la Milice le 31 janvier 1943. Laval, en confiant le commandement de ce corps à Joseph Darnand, pense que « ses hommes l’aideront sans trop l’engager. Sur cette erreur commence l’aventure de la Milice française ».
Qui s’engageait dans la Milice ? Des employés, des cadres, des artisans et commerçants. Ce sont les classes moyennes, originaires d’un milieu urbain qui dominent. Ce constat contredit l’idée, couramment répandue, que la Milice aurait recruté chez les déclassés.
Quelles étaient, selon Michèle Cointet, les principales motivations d’un engagement dans la Milice ? L’auteure recense l’anticommunisme, l’antisémitisme, la revanche contre le Front populaire, la république ; le tout porté à un niveau de haine et de rancœur inimaginable. Ainsi, Bénouville s’exclame-t-il lors d’une réunion de la Légion de Nice en 1940 : « Il faut que justice se fasse, il faudra que les têtes tombent ». Ou encore Joseph Lécussan, tristement célèbre dirigeant régional de la Milice à Lyon, déclare-t-il : « Il y a des Français qui se sont exclus de la communauté nationale. Ce sont d’abord les Juifs que la race sépare de nous. (…) Pour ceux-là, aucune pitié : ils doivent être tués. Il n’existe d’ailleurs qu’une seule solution au problème juif : les supprimer ».
Tout est dit, déjà. Les exactions perpétrées par les Miliciens sont de tous ordres : violences contre des habitants de villages, prises d’otages, tortures plus atroces les unes que les autres, instauration de cours martiales on ne peut plus expéditives. On retiendra bien sûr l’assassinat de Victor Basch, président de la ligue des Droits de L’homme, celui de Jean Zay et de Georges Mandel, crimes à ajouter à la liste des crimes commis par la Milice. Cette dernière se distingua lors de la prise du plateau des Glières, en 1944, lorsque la Wehrmacht décida de s’emparer de ce camp retranché sur lequel des centaines de maquisards s’étaient réfugiés. La répression y fut effroyable…
Ce qui ressort de la lecture de ce livre, c’est un démenti cinglant : non, la Milice ne fut jamais un frein à la répression de l’occupant allemand ; elle fut tout au contraire son auxiliaire zélé, le concurrençant dans la barbarie, resituant en cela le rôle du régime de Vichy dans l’Europe de Hitler.
Ouvrage à lire en raison même de cette remise en perspective à laquelle cet essai apporte une contribution décisive.
Stéphane Bret
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