La Méguila d’Esther, Gérard Garouste
La Méguila d’Esther, février 2016, 128 pages, 30 €
Ecrivain(s): Gérard Garouste Edition: Hermann
C'est aujourd'hui la fête juive de Pourim qui célèbre Esther, épouse du roi Assuérus.
Gérard Garouste dans les « pas » d’Esther
Quoique « canonisé » avec retard peut-être parce qu’il relevait davantage du genre romanesque que de genre historique, le livre d’Esther fait néanmoins partie du patrimoine historique du peuple juif. Qu’importe si les Sages du Talmud l’ont d’abord considéré comme hétérodoxe. L’œuvre est singulière sous son apparence profane : elle fait exception dans la conception du lien entre Dieu et les hommes. Les prières n’existent pas dans ce livre mais uniquement des manifestations qui lui sont associées : « Mardochée déchira ses vêtements, se couvrit d’une silice et de cendres ». Tout au long du récit s’affiche une confiance déterminée dans le salut du peuple juif enraciné dans les textes plus anciens. La Providence est distillée tout au long du récit et c’est elle qui retient Garouste. Comprenant que la situation du secret est de l’ordre de l’exil de la Face le peintre cherche à exhumer le caché, à accorder une rédemption à la trace enfouie dans les ténèbres.
Le texte ne pouvait qu’interpeller Garouste. Aux questions de théories esthétiques il préfère la « logique circulaire » qui implique à l’homme de se sauver ou au moins de remonter une pente existentielle. Le livre d’Esther lui indique une piste voire la direction. Le texte devient l’écho à son refus de demeurer rivé aux actes insoupçonnables qui empêchèrent non celui qui les a commis mais son descendant à vivre. Le fils – « enjuivé » selon son père – découvrit par sa propre enquête les crimes de ce dernier comme il découvrit le caviardage de l’existence d’une arrière-grand-mère aux mœurs trop libres par une famille bourgeoise aux mœurs si honorables… Voilà pour les bas-fonds. Pour les hauts-fonds le rouleau d’Esther crée une assomption.
L’artiste rappelle (p.LVI) que ce texte « est peut-être le plus beau des sujets pour un peintre ». Le reprenant à sa main, il donne – au sein d’une vision colorée où le bleu et le doré dominent – sa propre vision du secret, du caché. C’est d’ailleurs l’objet même de l’art : rendre visible à la fois l’inconnu ou plus modestement se confronter à « son suspens ». Pour Garouste en effet le divin n’est pas signifié dans le rouleau d’Esther mais c’est ce qui en fait le prix. Il en devient l’enlumineur dans un siècle qui ignore souvent ce genre. Les images rappellent que le rouleau d’Esther n’a jamais été aussi actuel. Il reste en effet le récit qui peut jouxter le drame et le burlesque afin de refléter la condition juive, la condition humaine et celle de tous les peuples bousculés.
Jean-Paul Gavard-Perret
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