La lumière de ma mère, Mehdi Charef (par Philippe Leuckx)
La lumière de ma mère, Mehdi Charef, éditions Hors D’atteinte, mars 2023, 176 pages, 15 €
Après le beau livre sur son père (La Cité de mon père), le cinéaste et écrivain d’origine algérienne publie un admirable livre sur sa mère.
La mère, figure entre toutes, reçoit un hommage ciselé dans la tendresse, la vénération et la pudeur. Elle a vécu en Algérie jusqu’à la fin du conflit, est venue en France, a vécu dans le bidonville de Nanterre et a élevé huit enfants. Elle, qui a toujours parlé l’arabe, ne sait ni lire ni écrire mais s’est très vite intégrée à la culture française dans laquelle elle a voulu que ses enfants se développent. Charef, en très courts chapitres, restitue l’histoire, le vécu et le quotidien de celle qui l’a porté neuf mois.
Tout repasse : l’empreinte du pays natal, les gens qu’on a quittés, les habitudes, les mœurs, les us et coutumes, les habitudes des femmes, le lent apprentissage de l’ailleurs. Dans une langue, à la fois classique, chaleureuse, lyrique, Mehdi Charef donne vie et parfum à celle qui a toujours souhaité le meilleur pour les siens, qui a connu le plus grand chagrin, celui de la perte de l’une de ses filles, à l’âge de huit ans, là-bas au pays. En filigrane, c’est le pays d’origine que l’on suit, épisode après épisode, au moment même de la guerre quand le futur cinéaste avait à peine dix ans.
Le racisme des colonisateurs, des soldats, se profile et l’enfant s’est nourri de la fierté et de l’opposition sûre de sa mère à tout ce qui peut flétrir l’âme humaine. La courageuse, la valeureuse, qui ne se parfume pas, s’est toujours lavée au savon noir, a appris à ses enfants les valeurs du travail, de l’honnêteté, de la famille. Elle aussi a dû acquérir les rudiments d’une autre culture, se faire à la société de consommation, utiliser le téléphone, accepter que les siens se marient avec d’autres hommes et femmes n’appartenant pas à leur culture.
L’histoire de la mère, c’est aussi un hommage aux femmes, à toutes les femmes, à l’intime de leur condition, à la mission unique de porter des enfants et de les élever au plus haut d’une société. En cela, le livre de Charef est précieux, à plus d’un titre. Il révèle le talent d’un être pétri de beauté et de bonté, grâce aux siens, et il leur rend grâce.
L’universalité du propos, la beauté de l’écriture, le ton simple et dense de l’hommage à la mère, tout fait de ce livre un magnifique témoignage de société. Les sociétés changent, certes, mais elles conservent les mêmes perles qui se nomment piété, courage, mémoire des siens, empathie.
Un grand livre.
Philippe Leuckx
Medhi Charef, né en 1952, est un cinéaste et écrivain français, d’origine algérienne. Il est l’auteur d’onze films et de neuf livres. Citons : Le thé au harem d’Archi Ahmed ; Rue des pâquerettes ; La Cité de mon père.
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