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La Louve de Dêrsim, Yasmina Kramer (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret 23.06.23 dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Histoire, Roman, Belfond

La Louve de Dêrsim, Yasmina Kramer, Belfond, mai 2023, 178 pages, 20 €

Edition: Belfond

La Louve de Dêrsim, Yasmina Kramer (par Stéphane Bret)

 

En ce jour terrible du 13 novembre 2015, Paris ébauchait dans la soirée ce recensement macabre du nombre de morts et de blessés dans l’Est parisien, où avaient eu lieu les principales attaques terroristes. À quatre mille kilomètres de là, les forces kurdes procèdent à la libération de la ville de Şengal, dans le Kurdistan irakien. C’est cette guerre des femmes kurdes que décrit Yasmina Kramer dans un roman très inhabituel dans le ton général, mais bouleversant sur le fond. L’auteure du récit s’attache très sobrement à la description des combattantes, à leur origine, à leurs motivations : la narratrice, ainsi qu’Assîa, font partie des YPG, les unités de protection du peuple. Assîa dirige sous sa responsabilité quarante hommes et femmes. Les buts de la guerre sont simples, évidents aux yeux de ses troupes : lutter contre Daech, cette bande de barbares fanatiques, d’égorgeurs, de terroristes rétrogrades, qui pratiquent la terreur à grande échelle, les viols, la lapidation, pire châtiment pour les femmes qui subissent ces atrocités. Ces maquisardes excellent dans la formation au maniement des armes : charger une kalachnikov, s’entraîner au tir, ajuster rapidement son lance-roquettes…

Ceci est pour le court terme, mais ces femmes luttent, aussi, pour la construction et la reconnaissance internationale du peuple kurde, peuple sans État, et partagé après le Traité de Lausanne du 14 juillet 1923 entre la Turquie, L’Iran, l’Irak et la Syrie. La narratrice le précise : « Assîa et moi sommes des Kurdes Eleni. Nous avons grandi à Dêrsim, une petite ville du Kurdistan turc, en Anatolie orientale ». Ces deux combattantes évoquent avec ferveur la défense de la culture kurde, de ses langues, parmi lesquelles le kurmanci.

L’auteure nous apprend aussi qu’en 1937, eut lieu un génocide pratiqué par l’armée turque contre les Kurdes. Une opération militaire, qualifiée « d’assimilation » menée par Atatürk, fit dans le village de Dêrsim des milliers d’exécutions et de déportations. Ce qui retient l’attention du lecteur, c’est aussi le rappel des origines des troupes combattantes dans les rangs des Kurdes. On y trouve des étrangers, un Italien, un Ecossais, un Français, Milo, dont les motivations d’engagement sont très hétérogènes. Les femmes kurdes les appellent « les internationalistes », rappelant ainsi les Brigades Internationales de la Guerre d’Espagne quelques décennies plus tôt.

Durant ce conflit meurtrier, sanglant, ces femmes kurdes s’éduquent, se posent des questions sur le sens profond de leur engagement, envisagent un avenir sans fanatisme, une société où les femmes, sans devenir les ennemies obligées des hommes, seront leurs égales en dignité et en responsabilité. Un lecteur occidental ne peut que se sentir proche de ces aspirations de liberté, d’émancipation, de ces femmes qui ont pris les armes pour défendre leur liberté, et sauver aussi un peu la nôtre à quatre mille kilomètres de nos frontières…

Un livre exemplaire, atypique, par lequel Yasmina Kramer nous fait toucher du doigt la justesse de la cause de ces femmes.

 

Stéphane Bret

 

D’origine allemande et marocaine, Yasmina Kramer est née en Algérie en 1981. Elle l’a quittée pour la France en 1988. Elle a effectué des séjours au Kurdistan, en Syrie et en Turquie. La répercussion des conflits sur les populations l’intéresse particulièrement. Après avoir travaillé pour Médecins Sans Frontières, Yasmina Kramer est aujourd’hui journaliste indépendante.

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A propos du rédacteur

Stéphane Bret

 

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63 ans, réside actuellement à Boulogne-Billancourt, et s’intéresse de longue date à beaucoup  de domaines de la vie culturelle, dont bien sûr la littérature.

Auteurs favoris : Virginia Woolf, Thomas Mann, Joseph Conrad, William Faulkner, Aragon, Drieu La Rochelle, et bien d’autres impossibles à mentionner intégralement.

Centres d’intérêt : Littérature, cinéma, théâtre, expositions (peintures, photographies), voyages.

Orientations : la réhabilitation du rôle du savoir comme vecteur d’émancipation, de la culture vraiment générale pour l’exercice du libre arbitre, la perpétuation de l’esprit critique comme source de liberté authentique."

 

REFERENCES EDITORIALES :

Quatre livres publiés :

POUR DES MILLIONS DE VOIX -EDITIONS MON PETIT EDITEUR 
LE VIADUC DE LA VIOLENCE -EDITIONS EDILIVRE A PARIS
AMERE MATURITE -EDITIONS DEDICACES 
L'EMBELLIE - EDITIONS EDILIVRE A PARIS